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CHAPITRE I.


Page 2. — J’ai regardé l’esprit, le génie et la vertu comme le produit de l’instruction.

— Seule ?

Cette idée me paraît toujours vraie.

— Elle est fausse, et c’est par cette raison qu’elle ne sera jamais assez prouvée.

On m’a accordé que l’éducation avait sur le génie, sur le caractère des hommes et des peuples plus d’influence qu’on ne l’aurait cru.

— Et c’est tout ce qu’on pouvait vous accorder.

Page 4. — Si l’organisation nous fait presque entier ce que nous sommes, à quel titre reprocher au maître l’ignorance et la stupidité de ses élèves.

Je ne connais pas de système plus consolant pour les parents et plus encourageant pour les maîtres. Voilà son avantage.

Mais je n’en connais pas de plus désolant pour les enfants qu’on croit également propres à tout ; de plus capable de remplir les conditions de la société d’hommes médiocres, et d’égarer le génie, qui ne fait bien qu’une chose ; ni de plus dangereux par l’opiniâtreté qu’il doit inspirer à des supérieurs qui, après avoir appliqué longtemps et sans fruit une classe d’élèves à des objets pour lesquels ils n’avaient aucune disposition naturelle, les rejetteront dans le monde où ils ne seront plus bons à rien. On ne donne pas du nez à un lévrier, on ne donne pas la vitesse du lévrier à un chien-couchant ; vous aurez beau faire, celui-ci gardera son nez, et celui-là gardera ses jambes.


CHAPITRE II.


Page 5. — L’homme naît ignorant, il ne naît point sot ; et ce n’est pas même sans peine qu’il le devient.

C’est presque le contraire qu’il fallait dire. L’homme naît toujours ignorant, très-souvent sot ; et quand il ne l’est pas, rien de plus aisé que de le rendre tel, ni malheureusement de plus conforme à l’expérience.

La stupidité et le génie occupent les deux extrémités de