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OROU.

La femme, qui a juré de n’appartenir qu’à son mari, ne se donne-t-elle point à un autre ?

L’AUMÔNIER.

Rien de plus commun.

OROU.

Tes législateurs sévissent ou ne sévissent pas : s’ils sévissent, ce sont des bêtes féroces qui battent la nature ; s’ils ne sévissent pas, ce sont des imbéciles qui ont exposé au mépris leur autorité par une défense inutile.

L’AUMÔNIER.

Les coupables, qui échappent à la sévérité des lois, sont châtiés par le blâme général.

OROU.

C’est-à-dire que la justice s’exerce par le défaut de sens commun de toute la nation ; et que c’est la folie de l’opinion qui supplée aux lois.

L’AUMÔNIER.

La fille déshonorée ne trouve plus de mari.

OROU.

Déshonorée ! et pourquoi ?

L’AUMÔNIER.

La femme infidèle est plus ou moins méprisée.

OROU.

Méprisée ! et pourquoi ?

L’AUMÔNIER.

Le jeune homme s’appelle un lâche séducteur.

OROU.

Un lâche ! un séducteur ! et pourquoi ?

L’AUMÔNIER.

Le père, la mère et l’enfant sont désolés. L’époux volage est un libertin : l’époux trahi partage la honte de sa femme.

OROU.

Quel monstrueux tissu d’extravagances tu m’exposes là ! et encore tu ne dis pas tout : car aussitôt qu’on s’est permis de disposer à son gré des idées de justice et de propriété ; d’ôter ou de donner un caractère arbitraire aux choses ; d’unir aux actions ou d’en séparer le bien et le mal, sans consulter que le