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gion, mais mon état, il se trouva le lendemain couché à côté de cette jeune fille, qui l’accablait de caresses, et qui invitait son père, sa mère et ses sœurs, lorsqu’ils s’approchèrent de leur lit le matin, à joindre leur reconnaissance à la sienne.

Asto et Palli, qui s’étaient éloignées, rentrèrent avec les mets du pays, des boissons et des fruits : elles embrassaient leur sœur et faisaient des vœux sur elle. Ils déjeunèrent tous ensemble ; ensuite Orou, demeuré seul avec l’aumônier, lui dit :

— Je vois que ma fille est contente de toi ; et je te remercie. Mais pourrais-tu m’apprendre ce que c’est que le mot religion, que tu as répété tant de fois, et avec tant de douleur ?

L’aumônier, après avoir rêvé un moment, répondit :

— Qui est-ce qui a fait ta cabane et les ustensiles qui la meublent ?

OROU.

C’est moi.

L’AUMÔNIER.

Eh bien ! nous croyons que ce monde et ce qu’il renferme est l’ouvrage d’un ouvrier.

OROU.

Il a donc des pieds, des mains, une tête ?

L’AUMÔNIER.

Non.

OROU.

Où fait-il sa demeure ?

L’AUMÔNIER.

Partout.

OROU.

Ici même !

L’AUMÔNIER.

Ici.

OROU.

Nous ne l’avons jamais vu.

L’AUMÔNIER.

On ne le voit pas.

OROU.

Voilà un père bien indifférent ! Il doit être vieux ; car il a au moins l’âge de son ouvrage.