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gral et différentiel, de l’autre par un Voyage autour du monde. Il était bien pourvu de connaissances nécessaires pour profiter de sa longue tournée ; il a de la philosophie, de la fermeté, du courage, des vues, de la franchise ; le coup d’œil qui saisit le vrai et abrège le temps des observations ; de la circonspection, de la patience ; le désir de voir, de s’instruire et d’être utile ; des mathématiques, des mécaniques ; des connaissances en histoire naturelle, de la géométrie et de l’astronomie.

On peut rapporter les avantages de ses voyages à trois points principaux : une meilleure connaissance de notre vieux domicile et de ses habitants, plus de sûreté sur les mers qu’il a parcourues la sonde à la main, et plus de correction dans nos cartes. Les marins et les géographes ne peuvent donc se dispenser de la lecture de son ouvrage. Il est écrit sans emphase, avec le seul intérêt de la chose, de la vérité et de la simplicité. On voit par différentes citations d’anciens auteurs que Virgile était dans la tête ou dans la malle du voyageur.

M. de Bougainville part de Nantes, traverse les mers jusqu’au détroit de Magellan, entre dans la mer Pacifique, serpente entre les îles qui forment cet archipel immense compris entre les Philippines et la Nouvelle-Hollande, rase Madagascar, le cap de Bonne-Espérance, achève son tour par l’Atlantique, tourne l’Afrique et rentre dans son pays à Saint-Malo.

Je n’aurais jamais cru que les animaux s’approchassent de l’homme sans crainte et que les oiseaux vinssent se poser sur lui, lorsqu’ils ignoraient les périls de cette familiarité ; M. de Bougainville ne me laisse pas douter du fait.

L’homme a pu passer du continent dans une île ; mais le chien, le cerf, la biche, le loup, les renards, comment ont-ils été transportés sur les îles ?

J’invite toutes les puissances maritimes à n’envoyer dans leurs possessions d’outre-mer, pour commandants, résidents, supérieurs que des âmes honnêtes, des hommes bienfaisants, des sujets pleins d’humanité et capables de compatir aux infortunes d’un voyageur qui après avoir erré des mois entiers entre le ciel et la terre, entre la mort et la vie, avoir été battu des tempêtes, menacé cent fois de périr par naufrage, par maladie, par disette de pain et d’eau, vient, son bâtiment fracassé, se jeter expirant de fatigue et de misère aux pieds d’un monstre