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SUITE DE L’ENTRETIEN[1]



INTERLOCUTEURS


Mademoiselle DE L’ESPINASSE, BORDEU.


Sur les deux heures le docteur revint. D’Alembert était allé dîner dehors, et le docteur se trouva en tête-à-tête avec mademoiselle de l’Espinasse. On servit. Ils parlèrent de choses assez indifférentes jusqu’au dessert ; mais lorsque les domestiques furent éloignés, mademoiselle de l’Espinasse dit au docteur :


MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Allons, docteur, buvez un verre de malaga, et vous me répondrez ensuite à une question qui m’a passé cent fois par la tête, et que je n’oserais faire qu’à vous.

BORDEU.

Il est excellent ce malaga… Et votre question ?

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Que pensez-vous du mélange des espèces ?

BORDEU.

Ma foi, la question est bonne aussi. Je pense que les hommes ont mis beaucoup d’importance à l’acte de la génération, et qu’ils ont eu raison ; mais je suis mécontent de leurs lois tant civiles que religieuses.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et qu’y trouvez-vous à redire ?

BORDEU.

Qu’on les a faites sans équité, sans but et sans aucun égard à la nature des choses et à l’utilité publique.

  1. Ce sont ces pages ajoutées que ne devait jamais voir Mlle Volland.