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trouva enfin dans l’édition des Œuvres de Diderot, publiée à Londres (Amsterdam) en 1773, ce morceau évidemment imprimé après coup et portant cet avis : Le relieur aura soin de placer cette Prière immédiatement après les Pensées sur l’interprétation de la Nature, page 72. Et, tout heureux de cette découverte, il la communiqua au public.

Nous ferons comme lui, mais non sans une petite observation. Le paragraphe cité par Naigeon n’existe pas dans le texte reproduit d’après l’édition de 1773. Il y a de plus dans ce texte une lacune certaine à l’endroit où, après s’être adressé à Dieu, l’auteur s’adresse aux hommes.

Nous avons cru pouvoir prendre sur nous d’intercaler le paragraphe de Naigeon où il nous a paru prendre sa place naturelle et de marquer à l’endroit de la lacune la transition par un seul mot. Nous espérons qu’on nous pardonnera cette intervention personnelle dont personne ne se serait sans doute aperçu en l’absence de notre aveu.

Les Pensées sur l’interprétation de la Nature ont contribué plus qu’aucun autre des ouvrages de Diderot à le faire taxer d’orgueil et d’obscurité ; d’orgueil, à cause de ce début fastueux : Jeune homme, prends et lis, début qui faisait dire à Frédéric II : « Voilà un livre que je ne lirai pas. Il n’est pas fait pour moi qui suis un barbon. » D’obscurité, parce qu’en effet il y a plus de vues de l’esprit, plus d’hypothèses que de faits observés et d’affirmations. On se croyait aussi en droit de trouver mauvais qu’au moment où les mathématiques étaient cultivées avec tant d’éclat par les Bernouilli, les Euler, les Clairaut, les D’Alembert, un homme, qui se piquait aussi de les aimer et de les connaître, vînt déclarer que le règne des mathématiques était fini et que celui des sciences naturelles commençait.

Et cependant, ainsi que la suite l’a prouvé, rien n’était plus juste que cette assertion. Les mathématiciens du xviiie siècle avaient posé, comme le dit Diderot, « les colonnes d’Hercule » de cette science qui n’a point eu de grandes découvertes à enregistrer depuis, et qui n’en a probablement plus à attendre. Les sciences naturelles et physico-chimiques sont, au contraire, entrées, avec l’Encyclopédie, dans la voie nouvelle où elles sont encore, et où tous les jours elles avancent sans qu’on puisse prévoir le tenue glorieux où devront s’arrêter leurs conquêtes.

C’est donc une grande idée qui domine dans ce livre, et qui en fait un des plus importants de l’œuvre de Diderot ; Auguste Comte ne s’est pas trompé lorsqu’il lui a fait une place d’honneur dans la Bibliothèque positiviste.

S’il y a quelques conjectures hasardées dans ces pages, il faut les juger en se l’appelant cette parole de l’auteur : « Pour éclairer les hommes il ne s’agit pas toujours de rencontrer la vérité, mais bien de les mettre en train de méditer sur une tentative heureuse ou