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fera pas croire des absurdités. Sans doute il y a des choses supérieures à notre raison ; mais je rejetterai hardiment tout ce qui y répugne, tout ce qui la choque. Quelle est cette manière de raisonner, qui met le témoignage des hommes au-dessus de l’évidence, comme si ce qui est évident pouvait être faux, comme si l’évidence n’était pas la marque infaillible de la vérité ? Ceux qui veulent payer les autres de ces raisons, peuvent-ils en effet s’en contenter eux-mêmes ?

La raison démontre que naturellement la nation juive devrait être éteinte. La raison démontre, au contraire, que les Juifs se mariant et faisant des enfants, la nation juive doit subsister. Mais, direz-vous, d’où vient qu’on ne voit plus ni Carthaginois, ni Macédoniens ? La raison en est qu’ils ont été incorporés dans d’autres peuples ; mais la religion des Juifs, et celle des peuples chez lesquels ils habitent, ne leur permettant pas de s’incorporer avec eux, ils doivent faire une nation à part. D’ailleurs, les Juifs ne sont pas le seul peuple qui subsiste ainsi dispersé ; depuis un grand nombre d’années, les Guèbres et les Banians sont dans le même cas.

Non sans leur donner le moyen de prouver leur mission. Et comment l’ont-ils prouvée ? Par des miracles. Mais d’où vient que les Juifs, témoins des miracles éclatants de Moïse, ne s’y rendaient pas ? D’où vient qu’ils se révoltaient continuellement contre lui ? C’était, direz-vous, des cœurs endurcis. Mais moi, qui n’ai jamais vu les miracles de Moïse, et qui suis venu cinq mille ans après lui, suis-je bien coupable d’être aussi endurci qu’eux ?

L’âme ne peut se passer de culte, sans tomber dans l’aridité et la froideur. Qu’il y ait un culte, soit ; mais que chacun puisse suivre celui de son pays ; et que ceux qui prient Dieu en latin ne damnent pas ceux qui le prient en anglais ou en arabe.

Que pouvez-vous donc connaître, si vous ne connaissez pas votre âme, et si vous ne sentez pas qu’elle n’est pas matière ? Âme, matière ! où sommes-nous ? qui nous éclairera dans ces ténèbres ? Vous qui connaissez si bien mon âme, expliquez-moi donc ce que c’est ?

J’avoue que je n’entends rien à ceci : Dites donc que le mal est une négation qui ne subsiste pas par elle-même, mais par l’opposition à la loi de Dieu. Je ne dois m’en prendre sans doute