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France et en Angleterre, tandis qu’il y a tant d’autres causes sensibles de cette corruption.

Ah ! mon cher, si vous prenez ce qui est écrit dans cotre cœur pour la loi de Dieu, vous lui faites écrire bien des sottises. Vous qui m’accusez d’abuser des termes, n’en abusez-vous pas vous-même ici ? N’est-il pas clair que, par cœur, j’entends eu cette occasion la conscience, et non pas les passions ?

Ils demandent des preuves démonstratives dans des choses qui n’en sont pas susceptibles. On sait bien que les faits historiques ne sont pas susceptibles de preuves démonstratives ; et c’est pour cela même qu’ils ne peuvent jamais prévaloir contre des vérités démontrées. Quelque bien prouvé que soit un fait, il n’est jamais aussi évident qu’un axiome de géométrie ; le fait peut rigoureusement être faux, l’axiome ne peut pas l’être. Il est possible que cent historiens à la fois se trompent ou veuillent me tromper, lorsqu’ils m’assurent qu’il y a eu une ville de Troie ; il est impossible que le rayon ne soit pas la moitié du diamètre. Mais, d’ailleurs, quels sont les faits du christianisme si authentiquement prouvés ? Sont-ce les ténèbres qui couvrirent toute la surface de la terre à la mort de Jésus-Christ, pendant que les historiens contemporains, ni grecs ni romains, n’en ont pas dit un mot ? Est-ce le soleil arrêté par Josué durant une demi-journée, tandis qu’aucun autre auteur n’a jamais parlé de ce phénomène ? La religion chrétienne a pour elle, dites-vous, l’universalité des témoignages ; cela est bientôt dit : cependant, combien d’historiens opposés aux historiens sacrés ; combien peut-être qui ont été falsifiés ; combien qui ont été supprimés, pendant que le peu qu’il y avait de livres était entre les mains des moines ? Dans le fond, cette unanimité de suffrages, dont se vante le christianisme, se réduit à ceux de son parti.

La demande est singulière, est-ce que Dieu parle ? Je veux convenir que Dieu avait besoin d’emprunter l’organe de la parole, pour faire connaître sa volonté aux hommes ; je veux convenir qu’il ne pouvait communiquer immédiatement cette connaissance à notre âme, comme il lui communique le sentiment et la pensée ? Pourquoi a-t-il chargé Pierre et Paul de m’en instruire ? Pourquoi ne me l’a-t-il pas annoncé lui-même ? Pourquoi y a-t-il même les trois quarts des hommes qui n’en-