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de Dieu se trouve dans les plus petites choses ; et le ridicule de ceux qui le jugent dans leurs plus victorieux arguments.

15o La définition que vous donnez de la justice n’est point exacte : car on peut être fidèle à des conventions très-injustes. C’est mettre l’effet avant la cause, que de faire consister la justice dans l’observation des lois, puisque les lois elles-mêmes ont été faites sur la justice. Vous qui voulez que Dieu vous révèle tout, et qui ne voulez de religion que votre conscience, quelle lumière y a-t-il répandu, si vous ne connaissez point de justice naturelle, si la vôtre dépend des conventions d’autrui ? Vous oubliez que, suivant vos principes, cette lumière éclaire le sauvage, le philosophe, le Lapon, l’Iroquois. La justice et la vertu sont la conformité de notre volonté à celle de Dieu.

16o Une plaisanterie n’est pas une raison. À qui persuaderez-vous que, depuis David jusqu’à Pascal et Fénelon, la religion révélée n’a eu pour sectateurs que des ignorants et des imbéciles ? La prévention la plus outrée ne l’a jamais prétendu ; mais a été forcée de convenir que la même foi, annoncée aux simples et aux pauvres si chers à la Divinité, avait subjugué, chemin faisant, ce que chaque siècle a produit de plus grand en puissance et en génie.

17o Ce n’est pas déserter la société, que de l’instruire par ses leçons et l’édifier par ses exemples. Quand même on ne la déserterait pas, elle force bientôt ceux qui ne veulent pas participer à sa corruption, de l’abandonner. Trouvez-vous d’ailleurs que ceux dont les principes autorisent le suicide, aient bonne grâce de vouloir empêcher ceux qui se trouvent mal du monde de s’en retirer ?

18o Quel est l’homme qui se méprise lui-même ? Celui qui se connaît mieux que les autres. Qui que nous soyons, chétifs mortels, nous sommes toujours si peu de chose ! Hélas ! le mépris réciproque des hommes prouve ce qu’ils valent.

19o La voix de la nature vous dit de vous rendre heureux ; mais vraiment la religion ne vous dit pas autre chose. Elle fait plus ; elle vous crie : ne faites point cela, pour n’être point à présent et éternellement malheureux ; faites ceci, pour être actuellement et éternellement heureux. Vous cherchez le bonheur : mais cherchez-le donc, non dans vos sens insatiables, mais là où il est, et où il sera nunc et semper. Vous voulez que tous les hommes soient éclairés, pour être vertueux : mais qui les éclairera ? Un autre homme sujet à la prévention, à l’erreur ? Où allumera-t-il sa lumière ? Ah ! mon cher, laissez-vous éclairer par celui qui a dit : fiat lux.