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Il peut parler par inspiration, et il l’a fait ; il peut parler sous des formes sensibles, et il l’a fait. Qui peut lui refuser ce pouvoir, et se soustraire à sa volonté énoncée ?

8o Ah ! mon cher, vous n’êtes plus ce jeune homme de bonne foi, qui cherche la vérité modestement ; vous avez pris votre parti, et parti violent. Cette tirade fanatico-déiste remporte sur la licence de vos maîtres ; elle est presque mot pour mot dans un de leurs ouvrages ; mais vous y avez ajouté des invectives qu’ils n’ont pas eu l’audace de proférer, et qui sont toujours des raisons contre ceux qui s’en servent. Ils sont, dites-vous, une foule qui se vantent que Dieu leur a parlé ; mais sont-ils une foule qui le prouvent ? Est-ce à Zoroastre ? Est-ce à Mahomet ? Non, puisqu’ils ne le prouvent pas. Est-ce à Moïse ? Oui, parce qu’il le prouve par les preuves les plus solides, les plus authentiques dont un fait puisse être appuyé. On veut vous séduire. Et qu’en revient-il aux auteurs du projet ? Quelle séduction que celle qui vous indique les moyens d’être l’objet de la complaisance de votre maître, et vous empêche de devenir celui de son indignation ? Vous croyez être en relation intime et directe avec lui ; qu’il parle à votre conscience. Ingrat ! vous ne la devez, cette conscience, qu’aux premiers principes de la religion où vous êtes né. Sans eux elle serait peut-être celle du cannibale qui dévore ses pareils ; celle du Madégasse qui vit dans le sang, et meurt le poignard à la main ; celle du nègre qui vend son père et ses enfants ; celle du Lapon, qui prostitue sa famille. Aussi privilégiés que vous, ils prétendront de même que c’est Dieu qui les inspire ; et vous le rendrez ainsi auteur et complice des abominations qui font la honte de notre espèce ; oui, la révélation se retirera de vous, puisque vous la rejetez ; mais vous resterez dans l’horreur du vide et des ténèbres, jouet misérable de vos opinions et de celles d’autrui.

9o Vous avez rejeté et invectivé la révélation ; mais vous ne l’avez pas confondue : on peut être riche en expressions, et pauvre en preuves. Vous ne croyez pas aux histoires qui la rapportent : ne croyez donc aucun fait, car il ne vous parvient que par l’histoire. Il est aussi certain qu’Euclide n’était pas Américain, qu’il l’est que le triangle est la moitié du parallélogramme ; il est aussi certain qu’il y avait un chandelier d’or dans le temple de Jérusalem, qu’il l’est, qu’il y a des lampes dans nos églises ; le même genre de témoignage qui m’assure que Démosthènes était orateur en Grèce, me rend certain que saint Paul était prédicateur de l’Évangile ; le pyr-