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mariage ; mais le bon sens s’indigne des déclamations perpétuelles des célibataires mondains, par goût et par libertinage, contre ceux qui embrassent cet état dans des vues de religion et de pénitence.

3o L’Angleterre n’a pas gagné, pour les mœurs, plus que la France, à la philosophie du temps ; c’est dans ces deux pays qu’elles sont le plus dépravées. Au reste, malgré le respect des Anglais pour la philosophie, ils n’ont pas paru disposés, en dernier lieu, à élever au ministère les célèbres qu’on accable de mandements.

4o Qu’entendez-vous par l’hommage le plus pur et le plus digne ? Y en a-t-il un au-dessus de celui de la religion chrétienne ? L’amour et la foi. Voilà les deux fondements de cette religion. Peut-il y avoir de religion sans amour ? Or peut-on aimer ce qu’on ne connaît pas ; et peut-on connaître autrement que par la foi ?

5o Il suit celle qu’il a trouvée écrite au fond de son cœur. Ah ! mon cher, si vous prenez ce qui est écrit dans votre cœur pour la loi de Dieu, vous lui faites écrire bien des sottises. Vous y trouverez écrit l’orgueil, l’envie, l’avarice, la malignité, la lubricité, et l’alphabet de tous les vices. Les égarements de toute espèce où la nature humaine s’abandonne, livrée à elle-même, ne prouvent que trop que ce n’est pas au bien que notre cœur nous porte ; et que l’homme avait besoin d’un autre guide.

6o Il est clair qu’il y a différentes preuves pour différents ordres de choses ; qu’il n’en faut demander pour chaque objet que dans la classe qui lui est analogue. Mais la croyance leur est également due, quand dans leur ordre elles ont le degré de perfection. C’est l’usage de la religion de les administrer telles ; c’est celui de ses adversaires de tout confondre par le renversement dont vous vous plaignez. Ils demandent des preuves mathématiques dans des choses qui n’en sont pas susceptibles ; ils admettent les historiques quand elles leur sont favorables ; ils les rejettent quand elles les contredisent. Pour les faits, il ne peut y avoir d’autres preuves que les historiques ; la religion est fondée sur la révélation qui est un fait ; et c’est la raison même qui adopte ce fait, fondé sur l’authenticité des monuments et l’unanimité des suffrages.

7o Est-ce que Dieu parle ? La demande est singulière ; et pourquoi ne parlerait-il pas ? Pourquoi celui qui a créé la parole ne parlerait-il pas ? pourquoi celui qui a fait l’œil ne verrait-il pas ? pourquoi celui qui a fait l’oreille n’entendrait-il pas ? Il parle par ses ouvrages, soit ; il manifeste ce qu’il peut, mais non pas ce qu’il veut.