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violent, despotique, arbitraire et destinant les créatures à un malheur inévitable, sans aucun mérite ou démérite prévu ; c’est-à-dire qu’on élève un diable sur ces autels où l’on croit adorer un Dieu.

Outre les sectateurs des différentes opinions dont nous venons de faire mention, nous remarquerons, de plus, qu’il y a beaucoup de personnes qui, par esprit de scepticisme, par indolence, ou par défaut de lumières, ne sont décidées pour aucune.

Tous ces systèmes supposés, il nous reste à examiner comment chaque système en particulier, et l’indécision même, s’accordent avec la vertu, et jusqu’où ils sont compatibles avec un caractère honnête et moral.




PARTIE SECONDE.


SECTION I.



Lorsque je tourne les yeux sur les ouvrages d’un artiste, ou sur quelque production ordinaire de la nature, et que je sens en moi-même combien il est difficile de parler avec exactitude des parties, sans une connaissance profonde du tout, je ne suis point étonné de notre insuffisance dans les recherches qui concernent le monde, le chef-d’œuvre de la nature. Cependant, à force d’observations et d’étude, à force de combiner les proportions et les formes dont la plupart des créatures qui nous environnent sont revêtues, nous sommes parvenus à déterminer quelques-uns de leurs usages. Mais quelle est la fin de ces créatures en particulier ? En général même, à quoi sert l’espèce entière de quelques-unes d’entre elles ? C’est ce que nous ne connaîtrons peut-être jamais.

Cependant nous savons que chaque créature a un intérêt privé, un bien-être qui lui est propre, et auquel elle tend de toute sa puissance ; penchant raisonnable qui a son origine dans les avantages de sa conformation naturelle. Nous savons que sa condition relative aux autres êtres est bonne ou mauvaise ; qu’elle affec-