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du boucher et à égorger celui pour qui le sang de l’agneau a été versé.

Il a dit : « Si l’on vous persécute, fuyez. » Et vous chassez ceux qui vous laissent dire, et qui ne demandent pas mieux que de paître doucement à côté de vous.

Il a dit : « Vous voudriez que je fisse tomber le feu du ciel sur vos ennemis. » Vous savez quel esprit vous anime[1].

Écoutez saint Jean : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. »

Saint Athanase : « S’ils persécutent, cela seul est une preuve manifeste qu’ils n’ont ni piété ni crainte de Dieu. C’est le propre de la piété, non de contraindre, mais de persuader à l’imitation du Sauveur, qui laissait à chacun la liberté de le suivre. Pour le diable, comme il n’a pas la vérité, il vient avec des haches et des cognées. »

Saint Jean Chrysostome : « Jésus-Christ demande à ses disciples s’ils veulent s’en aller aussi, parce que ce doivent être les paroles de celui qui ne fait point de violence. »

Salvien : « Ces hommes sont dans l’erreur ; mais ils y sont sans le savoir. Ils se trompent parmi nous ; mais ils ne se trompent pas parmi eux. Ils s’estiment si bons catholiques qu’ils nous appellent hérétiques. Ce qu’ils sont à notre égard, nous le sommes au leur. Ils errent, mais à bonne intention. Quel sera leur sort à venir ? Il n’y a que le juge qui le sache ; en attendant, il les tolère. »

Saint Augustin : « Que ceux-là vous maltraitent, qui ignorent avec quelle peine on trouve la vérité, et combien il est difficile de se garantir de l’erreur. Que ceux-là vous maltraitent, qui ne savent pas combien il est rare et pénible de surmonter les fantômes de la chair. Que ceux-là vous maltraitent, qui ne savent pas combien il faut gémir et soupirer, pour comprendre

  1. Nous suivons le texte de Naigeon, dans lequel cette fin d’alinéa est, comme celle des alinéas précédents, une apostrophe directe de Diderot à l’abbé, son frère. Dans l’article Intolérance de l’Encyclopédie, l’auteur, ne s’adressant plus à une personne désignée, mais aux intolérants en général, a donné la version même de l’Évangile de saint Luc (c. ix, v. 54-55) : « Vous voudriez que je fisse tomber le feu du ciel sur vos ennemis : vous ne savez quel esprit vous anime : et je vous le répète avec lui, intolérants, vous ne savez quel esprit vous anime. » Ici Diderot semble dire à son frère qu’il est assez éclairé pour comprendre qu’il n’obéit qu’à un sentiment de jalousie et de haine, inspiré par le mauvais esprit.