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de ces sens qui instruit l’autre de l’existence d’objets et de modifications qui lui échapperaient par leur petitesse. Si l’on vous plaçait à votre insu, entre le pouce et l’index, un papier ou quelque autre substance unie, mince et flexible, il n’y aurait que votre œil qui pût vous informer que le contact de ces doigts ne se ferait pas immédiatement. J’observerai, en passant, qu’il serait infiniment plus difficile de tromper là-dessus un aveugle qu’une personne qui a l’habitude de voir.

Un œil vivant et animé aurait sans doute de la peine à s’assurer que les objets extérieurs ne font pas partie de lui-même ; qu’il en est tantôt voisin, tantôt éloigné ; qu’ils sont figurés ; qu’ils sont plus grands les uns que les autres ; qu’ils ont de la profondeur, etc., mais je ne doute nullement qu’il ne les vît, à la longue, et qu’il ne les vît assez distinctement pour en discerner au moins les limites grossières. Le nier, ce serait perdre de vue la destination des organes ; ce serait oublier les principaux phénomènes de la vision ; ce serait se dissimuler qu’il n’y a point de peintre assez habile pour approcher de la beauté et de l’exactitude des miniatures qui se peignent dans le fond de nos yeux ; qu’il n’y a rien de plus précis que la ressemblance de la représentation à l’objet représenté ; que la toile de ce tableau n’est pas si petite ; qu’il n’y a nulle confusion entre les figures ; qu’elles occupent à peu près un demi-pouce en carré ; et que rien n’est plus difficile d’ailleurs que d’expliquer comment le toucher s’y prendrait pour enseigner à l’œil à apercevoir, si l’usage de ce dernier organe était absolument impossible sans le secours du premier.

Mais je ne m’en tiendrai pas à de simples présomptions ; et je demanderai si c’est le toucher qui apprend à l’œil à distinguer les couleurs. Je ne pense pas qu’on accorde au tact un privilège aussi extraordinaire : cela supposé, il s’ensuit que, si l’on présente à un aveugle à qui l’on vient de restituer la vue un cube noir, avec une sphère rouge, sur un grand fond blanc, il ne tardera pas à discerner les limites de ces figures.

Il tardera, pourrait-on me répondre, tout le temps nécessaire aux humeurs de l’œil, pour se disposer convenablement : à la cornée, pour prendre la convexité requise à la vision ; à ma prunelle, pour être susceptible de la dilatation et du rétrécissement