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citerons que la plus directe, celle qui porte pour titre : Lettre de M. Gervaise Holmes à l’auteur de la Lettre sur les aveugles, contenant le véritable récit des dernières heures de Saounderson (sic), à Cambridge, 1750, petit in-8o. L’auteur, qu’on dit être Formey, trouve la Lettre de Diderot « ingénieuse ». « Je voudrais pouvoir, continue-t-il, ajouter judicieuse. » Il entame alors l’historique qu’il a promis des derniers moments de Saunderson, et après avoir nié que, dans son état, il ait pu prononcer le long discours que lui attribue Diderot, il lui en fait tenir un autre tout contraire, mais beaucoup plus long. Le tout est daté : 14/25 décembre 1749.

Voltaire écrivit à ce même propos à Diderot une lettre fort entortillée, dans laquelle il lui déclare « qu’il n’est point du tout de l’avis de Saunderson qui nie un Dieu parce qu’il est né aveugle ». Il conclut en l’invitant à un repas philosophique qui n’eut jamais lieu : l’arrestation de Diderot, le 29 juillet, coïncidant avec le départ de Voltaire pour Lunéville. On trouvera la lettre de Voltaire et la réponse de Diderot dans la Correspondance.

La Société royale de Londres, à cause du rôle que joue dans cet ouvrage le docteur Inchlif, ne pardonna jamais à Diderot et refusa de l’admettre au nombre de ses membres.

Ce qui nous a fait penser que Diderot ne fut pas arrêté seulement par l’influence de Mme Dupré de Saint-Maur, c’est la note suivante du marquis d’Argenson, dans ses Mémoires : « Août 1749. — On a arrêté ces jours-ci quantité d’abbés, de savants, de beaux esprits et on les a menés à la Bastille, comme le sieur Diderot, quelques professeurs de l’Université, docteurs de Sorbonne, etc. Ils sont accusés d’avoir fait des vers contre le roi, de les avoir récités, débités, d’avoir frondé contre le ministère, d’avoir écrit et imprimé pour le déisme et contre les mœurs, à quoi l’on voudrait donner des bornes, la licence étant devenue trop grande. Mon frère en fait sa cour et se montre par là grand ministre. »

Dans une autre note du 21 août de la même année le marquis ajoute : « Le nommé Diderot, auteur des Bijoux indiscrets et de l’Aveugle clairvoyant (la Lettre sur les aveugles) a été interrogé dans sa prison à Vincennes. Il a reçu le magistrat (on dit même que c’est le ministre) avec une hauteur de fanatique. L’interrogateur lui a dit : « Vous êtes un insolent, vous resterez ici longtemps. » Ce Diderot venait de composer quand on l’a arrêté un livre surprenant contre la religion qui a pour titre le Tombeau des préjugés[1]. »

  1. Peut-être le marquis d’Argenson veut-il désigner sous ce titre la Promenade du sceptique.