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XI.


Cette religion doit être embrassée préférablement à toute autre, qui offre le plus de caractères divins ; or la religion naturelle est de toutes les religions celle qui offre le plus de caractères divins ; car il n’y a aucun caractère divin dans les autres cultes qui ne se reconnaisse dans la religion naturelle, et elle en a que les autres religions n’ont pas, l’immutabilité et l’universalité.


XII.


Qu’est-ce qu’une grâce suffisante et universelle ? Celle qui est accordée à tous les hommes, avec laquelle ils peuvent toujours remplir leurs devoirs et les remplissent quelquefois.

Que sera-ce qu’une religion suffisante, sinon la religion naturelle, cette religion donnée à tous les hommes, et avec laquelle ils peuvent toujours remplir leurs devoirs et les ont remplis quelquefois ? D’où il s’ensuit que non seulement la religion naturelle n’est pas insuffisante, mais qu’à proprement parler c’est la seule religion qui le soit ; et qu’il serait infiniment plus absurde de nier la nécessité d’une religion suffisante et universelle, que celle d’une grâce universelle et suffisante. Or, on ne peut nier la nécessité d’une grâce universelle et suffisante sans se précipiter dans des difficultés insurmontables, ni par conséquent celle d’une religion suffisante et universelle. Or la religion naturelle est la seule qui ait ce caractère.


XIII.


Si la religion naturelle est insuffisante de quelque façon que ce puisse être, il s’ensuivra de deux choses l’une, ou qu’elle n’a jamais été observée fidèlement par aucun homme qui n’en connaissait point d’autre ; ou que des hommes qui auraient fidèlement observé la seule loi qui leur était connue, auront été punis, ou qu’ils auront été récompensés. S’ils ont été récompensés, donc leur religion était suffisante, puisqu’elle a opéré le même effet que la religion chrétienne, Il est absurde qu’ils aient été punis. Il est incroyable qu’aucuns n’aient été fidèles observateurs de leur loi. C’est renfermer toute probité dans un petit coin de terre, ou punir de fort honnêtes gens.