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en naissant, de la faute de leur père, la proposition devient d’une absurdité convenue de tout le monde. D’où il s’ensuit, et de ce qui précède, que la religion révélée ne nous a rien appris sur la morale ; et que ce que nous tenons d’elle sur le dogme, se réduit à cinq ou six propositions inintelligibles, et qui, par conséquent, ne peuvent passer pour des vérités par rapport à nous. Car si vous aviez appris à un paysan, qui ne sait point de latin, et moins… encore de logique, le vers :

Asserit A, negat E, verum generaliter ambo,


croiriez-vous lui avoir appris une vérité nouvelle ? N’est-il pas de la nature de toute vérité d’être claire et d’éclairer ? deux qualités que les propositions révélées ne peuvent avoir. On ne dira pas qu’elles sont claires ; elles contiennent clairement, ou il est clair qu’elles contiennent une vérité, mais elles sont obscures ; d’où il s’ensuit que tout ce qu’on en infère doit partager la même obscurité ; car la conséquence ne peut jamais être plus lumineuse que le principe.


VI.


Cette religion est la meilleure, qui s’accorde le mieux avec la bonté de Dieu. Or la religion naturelle s’accorde avec la bonté de Dieu ; car un des caractères de la bonté de Dieu, c’est de ne faire aucune acception de personne. Or la loi naturelle est de toutes les lois celle qui cadre le mieux avec ce caractère, car c’est d’elle que l’on peut vraiment dire que c’est la lumière que tout homme apporte au monde en naissant.


VII.


Cette religion est la meilleure, qui s’accorde le mieux avec la justice de Dieu. Or la religion ou la loi naturelle, de toutes les religions, est celle qui s’accorde le mieux avec la justice. Les hommes présentés au tribunal de Dieu seront jugés par quelque loi ; or, si Dieu juge les hommes par la loi naturelle, il ne fera injustice à aucun d’eux, puisqu’ils sont nés tous avec elle. Mais par quelque autre loi qu’il les juge, cette loi n’étant point universellement connue comme la loi naturelle, il y en aura parmi les hommes à qui il fera injustice. D’où il