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la vraie religion, il y a eu des fanatiques ; ou comptons, si nous le pouvons, le nombre des morts, et croyons, ou cherchons d’autres motifs de crédibilité.

LVI.

Rien n’est plus capable d’affermir dans l’irréligion, que de faux motifs de conversion. On dit tous les jours à des incrédules : Qui êtes-vous, pour attaquer une religion que les Paul, les Tertullien, les Athanase, les Chrysostôme, les Augustin, les Cyprien, et tant d’autres illustres personnages ont si courageusement défendue ? Vous avez sans doute aperçu quelque difficulté qui avait échappé à ces génies supérieurs ; montrez-nous donc que vous en savez plus qu’eux ; ou sacrifiez vos doutes à leur décisions, si vous convenez qu’ils en savaient plus que vous. Raisonnement frivole. Les lumières des ministres ne sont point une preuve de la vérité d’une religion. Quel culte plus absurde que celui des Égyptiens, et quels ministres plus éclairés !… Non, je ne peux adorer cet oignon. Quel privilège a-t-il sur les autres légumes ? Je serais bien fou de prostituer mon hommage à des êtres destinés à ma nourriture ! La plaisante divinité qu’une plante que j’arrose, qui croît et meurt dans mon potager !… « Tais-toi, misérable, tes blasphèmes me font frémir : c’est bien à toi à raisonner ! en sais-tu là-dessus plus que le sacré Collège ? Qui es-tu, pour attaquer tes dieux, et donner des leçons de sagesse à leurs ministres ? Es-tu plus éclairé que ces oracles que l’univers entier vient interroger ? Quelle que soit ta réponse, j’admirerai ton orgueil ou ta témérité… » Les chrétiens ne sentiront-ils jamais toute leur force, et n’abandonneront-ils point ces malheureux sophismes à ceux dont ils sont l’unique ressource ? Omittamus ista communia quæ ex utraque parte dici possunt, quanquam vere ex utraque parte dici non possint. (Saint Augustin, Cité de Dieu.) L’exemple, les prodiges et l’autorité peuvent faire des dupes ou des hypocrites : la raison seule fait des croyants.

LVII.

On convient qu’il est de la dernière importance de n’employer à la défense d’un culte que des raisons solides ; cependant on