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Un autre opuscule, écrit par le P. Senemaud, jésuite, sous le titre de Pensées philosophiques d’un citoyen de Montmartre (1756, in-12), est assez maltraité dans la correspondance de Grimm. En 1761, des Pensées philosophiques sur divers sujets, avec cette épigraphe : Utimur exemplis parurent à La Haye. L’auteur n’est pas connu. L’ouvrage contient 104 Pensées qui réfutent en les paraphrasant celles de Diderot.

Il y eut encore : Lettres sur l’écrit intitulé Pensées philosophiques et sur le livre des Mœurs, 1749, in-12. L’auteur y peint l’ouvrage comme « dangereux et séduisant » et dit comme conclusion : « Je finis en plaignant l’auteur des Pensées philosophiques du temps qu’il a perdu à les compiler… Je souhaiterais que ce philosophe en détrempe daignât lire avec toute l’attention dont je ne le crois pas tout à fait incapable, le Traité de la vraie religion, en cinq volumes. » Or, l’auteur du Traité est le même que celui des Lettres : l’abbé Fr. Ilharat de la Chambre et nous avons vu que Diderot l’avait lu, puisqu’il le cite plusieurs fois dans l’Essai sur le mérite et la vertu. Ce qui prouve que l’abbé s’exagérait un peu la puissance de sa dialectique.

Outre ces critiques directes et peut-être un peu pesantes, il y eut pendant longtemps, à chaque page, dans les brochures et dans les journaux dirigés contre les Encyclopédistes, des allusions aux Pensées philosophiques. Palissot se distingua surtout dans cette guerre d’escarmouche et rien n’égale sa colère contre le préambule des Pensées si ce n’est sa fureur contre le premier mot de l’Interprétation de la nature.

Comme on le remarquera, Diderot n’est point encore ici ce que Naigeon le fait : purgé de toute matière superstitieuse. Il est toujours déiste ; il a soin seulement de distinguer entre son Dieu et celui des dévots. Il lisait alors Bayle, et, à l’exemple de ce sceptique qui a fourni autant d’arguments aux défenseurs de l’Église qu’à ses ennemis, il avait pris l’habitude de ne pas décider de lui-même, laissant le lecteur glisser du côté où son penchant l’entraînait, après lui avoir montré les deux voies. On retrouvera (Pensées xxii et xxiii surtout) les arguments contre l’athéisme dont il s’était déjà servi dans les Notes de l’Essai sur le mérite et la vertu.

On trouvera même, dans la lviiie pensée, une profession de foi de catholicisme qui aurait dû faire réfléchir les juges qui condamnèrent l’ouvrage, mais qui n’a pas suffi à les désarmer.