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Ce n’est point ton éloge, ô Diderot ! que j’ose entreprendre : à peine mes faibles talents osent-ils se flatter de rassembler ici quelques fleurs dignes de parer ton urne funéraire. Mais moi aussi j’eus souvent le bonheur d’approcher le modeste asile où tu t’étais renfermé ; mais moi aussi j’ai partagé souvent les dons précieux que ton génie répandait autour de toi avec un abandon si facile et si généreux, avec une chaleur si douce et si intéressante. Ce n’est point dans de vaines louanges que s’épanchera ma reconnaissance ; mais j’essayerai du moins d’exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai senti, et ceux de tes amis qui verront cette faible esquisse y trouveront peut-être quelques traits de ton image fidèlement rendus.



L’artiste qui aurait cherché l’idéal de la tête d’Aristote ou de Platon eût difficilement rencontré une tête moderne plus digne de ses études que celle de Diderot. Son front large, découvert et mollement arrondi, portait l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. Le grand physionomiste Lavater croyait y reconnaître quelques traces d’un caractère timide, peu entreprenant, et cet aperçu, formé seulement d’après les portraits qu’il en a pu voir, nous a toujours paru d’un observateur très fin. Son nez était d’une beauté mâle ; le contour de la paupière supérieure plein de délicatesse, l’expression habituelle de ses yeux sensible et douce ; mais lorsque sa tête commençait à s’échauffer, on les trouvait étincelants de feu ; sa bouche respirait un mélange intéressant de finesse, de grâce et de bonhomie. Quelque nonchalance qu’eût d’ailleurs son maintien, il y avait naturellement dans le port de sa tête, et surtout dès qu’il parlait avec action, beaucoup de noblesse, d’énergie et de dignité. Il semble que l’enthousiasme fût devenu la manière d’être la plus naturelle de sa voix, de son âme, de tous ses traits. Dans une situation d’esprit froide et paisible on pouvait souvent lui trouver de la contrainte, de la gaucherie, de la timidité, même une sorte d’affectation ; il n’était vraiment Diderot, il n’était vraiment lui que lorsque sa pensée l’avait transporté hors de lui-même.

Pour prendre quelque idée de l’étendue et de la fécondité de son esprit, ne suffit-il pas de jeter un coup d’œil rapide, je ne dis pas sur tout ce qu’il a fait, mais sur les seuls ouvrages que le public