source dans son tempérament actuel ; donc la créature sera bonne en ce sens, lorsqu’en suivant la pente de ses affections elle aimera le bien et le fera sans contrainte, et qu’elle haïra et fuira le mal sans effroi pour le châtiment. La créature sera méchante, au contraire, si elle ne reçoit pas de ses inclinations naturelles la force de remplir ses fonctions, ou si des inclinations dépravées l’entraînent au mal et l’éloignent du bien qui lui sont propres.
En général, lorsque toutes les affections sont d’accord avec l’intérêt de l’espèce, le tempérament naturel est parfaitement bon. Au contraire, si l’on manque de quelque affection avantageuse, ou qu’on en ait de superflues, de faibles, de nuisibles et d’opposées à cette fin principale, le tempérament est dépravé, et conséquemment l’animal est méchant ; il n’y a que du plus ou du moins.
Il est inutile d’entrer ici dans le détail des affections, et de démontrer que la colère, l’envie, la paresse, l’orgueil, et le reste de ces passions généralement détestées, sont mauvaises en elles-mêmes, et rendent méchante la créature qui en est affectée. Mais il est à propos d’observer que la tendresse la plus naturelle, celle des mères pour leur petits, et des parents pour leurs enfants, a des bornes prescrites, au delà desquelles elle dégénère en vice. L’excès de l’affection maternelle peut anéantir les effets de l’amour, et le trop de commisération mettre hors d’état
nance d’attributs, qui constitue une chose ce qu’elle est. Les philosophes l’appellent Bonitas Entis.
Une bonté animale. C’est une économie dans les passions, que toute créature
sensible et bien constituée reçoit de la nature. C’est en ce sens, qu’on dit d’un
chien de chasse, lorsqu’il est bon, qu’il n’est ni lâche, ni opiniâtre, ni lent, ni
emporté, ni timide, ni indocile, mais ardent, intelligent et prompt.
Une bonté raisonnée, propre à l’être pensant, qu’on appelle Vertu : qualité qui
est d’autant plus méritoire en lui, qu’étaient grandes les mauvaises dispositions
qui constituent la méchanceté animale, et qu’il avait à vaincre pour parvenir à la
bonté raisonnée. Exemple :
Nous naissons tous plus ou moins dépravés ; les uns timides, ambitieux et
colères ; les autres avares, indolents et téméraires ; mais cette dépravation involontaire du tempérament ne rend point, par elle-même, la créature vicieuse : au
contraire, elle sert à relever son mérite, lorsqu’elle en triomphe. Le sage Socrate
naquit avec un penchant merveilleux à la luxure. Pour juger combien on est
éloigné du sentiment impie et bizarre de ceux qui donnent tout au tempérament,
vices et vertus, on n’a qu’à lire la section suivante, et surtout le commencement
de la section quatrième. (Diderot.)