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LXIII
TROISIÈME ÉPOQUE.

ou à quelque leude ou noble puissant, pour le recevoir ensuite de sa main à titre de fief ; les bénéfices, qu’on tenait du prince ou de l’église, sous certaines redevances ; et les terres saliques, dont les Francs s’emparèrent lors de la conquête, possédées à la condition du service militaire.

Charles Martel, tout en relevant la France par ses armes, parvint par son despotisme à faire rétrograder la civilisation. Sous lui, les assemblées de la nation étant tombées en désuétude, la liberté des francs s’effaça, le dernier reflet de lumières s’éteignit.

Un véritable état de barbarie lut succéda : les leudes, les nobles se fortifiant dans leurs provinces, dans leurs manoirs, attirèrent près d’eux les partisans qu’ils purent réunir, soit par la crainte, soit par les bienfaits ; chacun ne trouva plus de sûreté pour sa personne ou pour ses biens, qu’en recourant à la protection qu’il espérait de ce vassalage, en apparence volontaire, et qu’il payait par ses services, par ses dons, ou pour l’abandon total de sa liberté. Ce fut alors que s’établit une sorte d’hiérarchie de fait, régularisée plus tard, entre les nobles et les grands, chacun recourant à la protection d’un plus fort que soi, en se constituant le protecteur du faible ; d’où résulta le système féodal, gouvernement monstrueux, dont nous cessons à peine de ressentir les effets. Les hommes dont les propriétés étaient assez considérables pour qu’on dût encore les ménager, mais qui n’auraient pu pourvoir eux-mêmes à leur défense, ayant changé leurs alleux ou biens propres en fiefs, s’aggrégèrent ainsi aux leudes ou seigneurs, moyennant un vain hommage, qui, sous une apparente soumission, leur acquit une indépendance réelle ; d’autres moins fortunés, achetèrent ce vasselage par un tribut. Tous étaient tenus au service militaire, chacun envers son supérieur, les leudes ou principaux seigneurs envers le roi. Les bénéficiers ou leudes amenaient leurs tributaires ou vasseaux sous l’étendard royal, qui était la chape de Saint Martin ;