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CCCXXVIII
PRÉCIS HISTORIQUE,

à la rage féroce d’une soldatesque altérée de sang : les femmes cachées dans les maisons, en sont arrachées et traînées sur la place publique pour y être massacrées. Devant les demeures mêmes des commissaires conventionnels, on égorge une multitude de victimes ; les femmes y sont entassées et foudroyées par des feux de pelotons. Ces infortunées se serrent pour éviter la mort ; les premiers rangs reçoivent seuls des coups mortels, et leurs bourreaux infatigables portent sur les autres de nouveaux coups. À la vue de leurs cadavres entassés et encore palpitans, les vainqueurs se disent avec une joie féroce : ils sont en batterie. La jeunesse et la beauté, rien n’est respecté ; le soldat farouche se montre encore plus cruel pour les femmes d’un certain rang, dont les cadavres mutilés sont traînés dans la boue. Les rues, les maisons, les places publiques, tout est couvert de morts ; les vainqueurs semblent ne pouvoir se rassasier de sang. Marceau qui gémit de l’épouvantable abus de la victoire, ne peut y mettre un terme, qu’en faisant battre la générale : le soldat livré au pillage, écoute avec peine le rappel à ses drapeaux. Les chevaux, les voitures, les ornemens d’église, tout ce que possédèrent les vaincus, ne put assouvir leur insatiable cupidité ; le chapeau de M. d’Autichamp, tombé entre les mains du commissaire du département de Maine-et-Loire, devient un trophée. Ce chef, blessé dans le combat, ne dut la vie qu’à l’hospitalité la plus généreuse. Westermann, à la tête des grenadiers d’avant-garde, poursuivit avec acharnement les fuyards sans s’arrêter au Mans. Malades, blessés, tout ce qui n’avait pu suivre la masse fut égorgé, sans distinction de sexe. La déroute ne s’arrêta qu’à la Chartreuse-du-Parc (à Saint-Denis-d’Orques ), et pendant l’espace de quatorze lieues, il ne se trouvait pas une toise de terrain qui ne fût couverte de quelques cadavres. Les paysans, soit qu’ils s’empressassent de prendre le parti des vainqueurs, soit qu’ils cherchassent à mettre un terme aux calamités d’une guerre qui menaçait leurs