Page:Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe, Tome I - Julien Remy Pesche.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CCLXXIX
CINQUIÈME ÉPOQUE.

Ces voies de fait ne furent malheureusement pas les seules qui eurent lieu dans le Maine. L’exaspération des opinions, une disette factice dont on se croyait menacé dans toute la France, et dont on éprouvait déjà quelques effets ; les bruits alarmans, d’accaparemens, de blés jettes dans les rivières, pour affamer le peuple, auxquels cette disette donnait lieu ; l’esprit d’opposition, dans lequel on croyait être les deux classes privilégiées, contre la régénération politique, sollicitée de toutes parts et impatiemment attendue ; tout tendait à donner au peuple des préventions funestes contre les grands et les hommes entre les mains desquels se trouvait le pouvoir. Ces préventions, beaucoup trop exagérées et habilement mises en œuvre par ceux qui, par un motif quelconque, cherchaient à en tirer parti, exposèrent la vie du lieutenant-général pour le roi dans la province, M. le comte de Tessé, et du commandant de la Maréchaussée, qui, par des imprudences, avait provoqué l’irritation : elles causèrent la mort de MM. Cureau et de Montesson, massacrés dans une émeute populaire, dont les subsistances furent le prétexte, dans le canton de Ballon[1]. Enfin, la révolution se déclare d’une manière ostensible, par l’insurrection de Paris et la prise de la Bastille : le mouvement est électrique ; de toutes parts et sur tous les points de la France, la cocarde aux trois couleurs est adoptée ; toute la population prend les armes ; l’organisation des gardes-nationales régularise ce mouvement tumultueux. Le comte de Valence, commandant au Mans le régiment des dragons de Chartres, que ses sentimens patriotiques rendirent cher aux habitans de cette ville, est nommé chef de sa garde-nationale ; nomination peu régulière en elle-même, mais qui fait connaître l’union touchante qui existait alors entre la troupe de ligne et les citoyens, ou, suivant une manière de parler postérieure, entra les soldats-citoyens et

  1. Voir l’art. ballon, dans la partie Dictionnaire, page 100 de ce volume.