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CCXLIX
QUATRIÈME ÉPOQUE.

assemblées religieuses. Ils ne se réunirent plus que dans des lieux sauvages, des bois épais, des grottes inaccessibles, où quelques ministres, échappés à la vigilance des magistrats, venaient administrer les sacremens, faire la cène, et exhorter leurs prosélites à la persévérance : c’est ce qu’on a nommé les assemblées du désert. Elles se multiplièrent dans les provinces éloignées de la capitale, surtout dans les endroits éloignés des villes ; et l’attention de la cour ayant été distraite de cet objet pendant la guerre de 1689, il parut dans les Cévennes, montagnes limitrophes du Haut-Languedoc, des fanatiques connus sous le nom de Camisards[1]. Endoctrinés par des ministres enthousiastes, ces paysans grossiers s’imaginaient être inspirés et se croyaient prophètes, et autorisés par la voix intérieure de l’Esprit, à prendre les armes pour la défense de leur religion. Ils déclarèrent la guerre surtout au clergé, contre lequel ils se permirent toutes sortes de cruautés ; pillèrent les abbayes, brûlèrent les églises, et renouvelèrent toutes les horreurs des premières guerres de religion : les Anglais et les Hollandais leurs fournirent des munitions et des officiers pour les exercer. Louis XIV, envoya contre eux, en 1703 et 1704, des troupes réglées, qui n’eurent que des succès médiocres ; mais enfin il les soumit, plus par des grâces que par les châtimens. »

Ce tableau douloureux ne peut être accusé d’inexactitude ; trop d’écrivains l’ont tracé plus ou moins vigoureusement. « Pendant qu’un million de Français, dit Rulhières, n’ayant point d’autre religion que le calvinisme, fuyaient leur patrie, pratiquaient leur culte dans les déserts, transmettaient leur croyance à leurs enfans ; la poésie et l’éloquence, le marbre et l’airain, éternisaient à l’envi cette conversion, si bien crue générale à la cour. On représentait, sous les pieds du

  1. De Camisade, parce qu’ils attaquaient brusquement ; camise, prononciation du mot chemise, dans le pays, parce qu’ils en manquaient ; camis, grands chemins, parce qu’ils les infestaient.