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CLXXXII
PRÉCIS HISTORIQUE,

villes où ils estoient en seureté et crédit, estoient les premiers qui criaient à l’eau, et qui incitaient le peuple à s’ensanglanter sur tel qui, peut-être, estoit innocent. » Et une remarque que nous ferons encore, pour ce qui est relatif à notre province, c’est que toutes les accusations des catholiques, dans leurs écrits contre les protestans, se bornent à des déclamations et à des généralités, si ce n’est en matière de pillage, de dévastation d’églises, de profanations ; tandis que les calvinistes, dans leurs mémoires adressés au roi ou aux gouverneurs de la province, précisent les faits, en nommant les victimes, les jours, les lieux où les événemens se sont passés. Au surplus, et pour terminer l’affreux tableau qu’offre cette période des deux années 1562 et 1563, on peut s’en rapporter à Castelnau, historien contemporain. Voici le tableau qu’il fait de la France, à la suite du récit de tous les attentats dont il avait été le témoin : « L’agriculture y était délaissée, dit-il, et les villes et villages en quantité innombrable, estant saccagéz, pillez et brûlez, s’en allaient en déserts, et les pauvres laboureurs chassez de leurs maisons, spoliez de leurs meubles et bestial, pris à rançon et volez aujourd’hui des uns et demain des autres, de quelque religion ou faction qu’ils fussent, s’enfuyaient, abandonnant tout ce qu’ils avaient ; les marchands et artisans quittaient leurs boutiques et mestiers, pour prendre la cuirasse ; la noblesse était divisée, et l’état ecclésiastique opprimé. Enfin, la guerre civile estoit une source inépuisable de toutes méchancetéz, voleries, meurtres, incestes, adultères, parricides, et le pis était qu’en cette guerre, les armes que l’on avait prises pour la défense de la religion annéantissaient toute religion, et produisaient la vermine d’une infinité d’athéistes. Voilà les beaux fruits que produisait cette guerre civile, et tout ce qu’elle produira quand nous serons si affligés que d’y rentrer. » Malheureusement cette époque funeste n’en était encore que le début !