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CXXXIV
PRÉCIS HISTORIQUE,

d’une armée pour aller attaquer ce duc ; le rendez-vous des troupes fut au Mans. Le roi, dont l’esprit était déjà mal disposé, s’achemina à la tête de sa maison et de son arrière-garde, le gros de l’armée ayant pris les devants, par une chaleur ardente du mois d’août ; et, comme il traversait la Forêt du Mans, ( voyez cet article ), un grand homme noir, tout délabré, l’air furieux et égaré, s’élance à travers les arbres, saisit la bride de son cheval en s’écriant : Où vas-tu Roi ? ne chevauche plus avant, tu es trahi ! puis s’enfonce dans la forêt, où il fut impossible à ceux qui le poursuivirent, de le rattraper. Le roi n’en continua pas moins son chemin ; mais quelque temps après, au milieu d’une plaine sablonneuse, que les rayons solaires rendaient plus brûlante encore, un page s’étant endormi sur son cheval, laisse tomber sa lance sur le casque d’un de ses compagnons : ce bruit aigu trouble de frayeur le roi, qui, croyant y voir l’accomplissement de la prédiction du spectre, met l’épée à la main, fond sur tout ce qui l’entoure, et finit par tomber en faiblesse de lassitude et d’abattement. Alors on l’entoure, on le désarme, et on le ramène au Mans, où il resta jusqu’à ce que sa raison un peu rétablie, permît de le reconduire à Paris. L’orage près de fondre sur le duc de Bretagne se trouva dissipé par cet événement, et les troupes qui marchaient pour l’attaquer reçurent l’ordre de revenir sur leurs pas.

L’événement que nous venons de retracer, après tant d’autres écrivains, est un de ces singuliers mystères historiques que le temps n’a pu dévoiler : on n’a jamais su si le hasard l’avait occasionné, s’il était le résultat des intrigues du duc de Bretagne, ou de celles des oncles du roi et des seigneurs de sa cour, qui l’avaient joint au Mans, et qui tous désapprouvaient cette expédition. Plusieurs historiens semblent insinuer cette dernière cause, en nous apprenant que, pendant les trois semaines que Charles VI séjourna au Mans, on employa toutes sortes de moyens, on suscita