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ceaux de sonate, et, en même temps, l’exposition (et par conséquent la réexposition) à deux thèmes, jointe à cet emprunt fait à la forme suite, que l’exposition module toujours à la dominante dans le mode majeur, au relatif de préférence dans le mode mineur. Dans la réexposition, la seconde idée change donc de ton, pour clore le morceau dans le ton initial. Il y a là une innovation géniale : Ph.-E. Bach la complète encore en écrivant tout particulièrement pour le clavier seul, d’où l’écriture scolastique précédemment en usage pour l’équilibre des sonates va disparaître, et le style « galant » dominer. Soixante-dix Sonates pour clavier, composées ou publiées de 1740 à 1787, constituent son œuvre en ce sens. Elles sont presque toutes en trois morceaux, tantôt séparés, tantôt s’enchaînant. Ph.-E. Bach est donc l’inventeur véritable de la sonate bithématique et de coupe ternaire, qui deviendra rapidement la seule employée, et jusqu’à notre époque comprise. En même temps, principal initiateur de la sonate pour clavier seul, il prélude ainsi directement à l’éclosion des grands chefs-d’œuvre que la littérature de piano fournira jusques et y compris Beethoven. Haydn est en ce sens le successeur de Ph.-E. Bach, et aussi fécond que lui. Mais, aux formes de musique pure (allegro et adagio) de la sonate de J.-S. Beach et de son fils, il mêle par un reste de la Suite, des formes de danse, menuet ou rondeau, par quoi il termine volontiers l’œuvre. Il emploie aussi les procédés d’Alberti, compositeur italien (vers 1750), et surtout la fameuse basse à laquelle ce dernier a attaché son nom.

Dès 1770, Haydn trouve un émule en Clémenti : celui-ci restera encore fidèle, pendant quelque temps, à la sonate à un seul thème, bien que de coupe ternaire. Ses premières Sonates sont souvent composées de deux mouvements seulement, mais on y reconnaît avec étonnement les idées, les caractéristiques qui annoncent Beethoven et un Beethoven parfois très avancé. C’est qu’un autre élément a influencé Clementi, comme il a influencé Mozart : le style mixte créé à Paris par des musiciens rhénans qui s’y étaient fixés, où entre pour une part importante l’ampleur introduite par Rameau dans ses grandes Suites, style que l’on remarque dans les Sonates parisiennes de Schobert (1764), chez Edelmann et surtout Hullmandel (1777-1778) que Mozart imitera étroitement. À partir de 1781, Haydn, Clementi, Mozart, ces deux derniers surtout, rivalisent dans la composition et le développement de la sonate, et amènent ainsi l’éclosion du génie beethovénien, dont la première manifestation est de 1795. Alors que Clementi et Mozart usent peu du menuet, Beethoven, dès sa première Sonate, l’adopte, mais sous une forme plus piquante, plus concertée, de plus en plus éloignée du caractère de la danse originale : il le dénomme scherzo, et va aller constamment le développant et, chose curieuse, augmentant progressivement sa vitesse. Ses premiers scherzi sont simplement marqués de la nuance d’exécution allegretto, ou tempo di minuetto ; il adopte assez vite allegro (3e  Sonate de piano) puis assai allegro (op. 14), allegro vivace (op. 28), assai vivace (Sonate à l’Archiduc). Dans sa viie Symphonie, le morceau qui tient la place du scherzo, et en emploie la forme, mais amplifiée, a pour indication presto, et l’énorme vitesse de 180 du métronome pour la mesure, s’il n’y a pas là une erreur. Dans la dernière partie de ses Sonates pour piano, à partir de l’op. 101 (1816), Beethoven se souvient des formes scolastiques et va sertir, en ses Sonates où le style galant et symphonique se reconnaît encore, des mouvements fugués et même des fugues entières. À dater de ce moment, — et le même processus peut être observé dans ses œuvres de musique de chambre et de symphonie, — Beethoven cherchera à modifier, à agrandir, à transformer le plan des sonates jusqu’à en faire de vastes drames musicaux. Il convient de remarquer que, dans toute sa carrière, il a souvent été précédé par le génie de Clementi, dans les Sonates duquel on remarque, dès 1788 à 1790, l’emploi de thèmes, d’harmonies, la manière de les élaborer, que Beethoven n’appliquera que vingt ans plus tard : en particulier, à partir de l’op. 34 de Clementi (réduction au piano d’une de ses Symphonies), les Caprices, op. 35, l’op. 40, etc. ; beaucoup plus tard, le mouvement inverse se remarque et, dans les Sonates composées par Clementi entre 1815 et 1820 (op. 47 et suiv.), il utilise les recherches beethovéniennes, dans une direction qui fait pressentir quelque peu Chopin, mais surtout l’écriture orchestrale que R. Wagner adoptera. L’étude et l’analyse de l’adagio de la Sonate, op. 50, no 1, de Clementi (vers 1820), et des divers morceaux de sonate compris dans le t. iii de son Gradus ad Parnassum, sont particulièrement précieuses à ce sujet. Les maîtres romantiques ont peu ajouté d’intéressant à la sonate, dont souvent ils n’ont pas saisi le plan. C’est à peine si de