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sinantes : elle date de 1795), suivent l’ordre chronologique.
|| 2. Opéra ; Opera-seria. — De même que les grandes divisions d’une pièce de théâtre portent le nom d’ « acte », c’est-à-dire action par excellence, le théâtre réunissant à la fois drame, chant, danses, symphonie, décors et machinerie, a pris dès sa fondation le nom d’Opéra, c’est-à-dire d’œuvre par excellence. Il est hors de propos de parler ici des origines lointaines de l’O. : jeux et drames liturgiques du xie s., miracles (xiiie s.) et bientôt mystères ; entremets français, ou intermedi italiens, dès le xvie ; tragédies coupées de musique au xve et au xvie s., suivies ou accompagnées des intermèdes et de ballets-comiques, — c’est-à-dire associés à une comédie — où la pantomime accompagnée de musique était mêlée de chants (voir tous ces mots), voilà les éléments qui, fondus par les hommes de théâtre italiens vers la fin du xvie siècle, donnèrent naissance à l’O., par l’intermédiaire de comédies de petites dimensions intégralement chantées ou déclamées sur des récitatifs.

Le genre nouveau était déjà tellement en vogue en Italie à cette époque que, de 1571 à 1605, 53 pièces en musique furent jouées à Venise. C’était pour moitié des pastorales ; les autres, des allégories. La musique en est perdue, et les noms des musiciens ne sont pas tous connus. Il paraît prouvé que Emilio de Cavalieri fut le principal créateur de l’O., comme musicien, avec Laura Guidiccioni, femme poète, comme librettiste. La musique de ses O. : Il satiro (1590), la Disperazione di Fileno (1591), Il fiusco della Cieca (1595) est perdue, sauf un air de basse avec deux flûtes. « C’était, dit un contemporain, une sorte de musique renouvelée de l’antique par Cavalieri et qui excitait la joie, la pitié, le rire ou les pleurs » Cavalieri se retira dans sa vieillesse à Rome et composa son Oratorio dell’anima e corpo (voy. Oratorio) représenté en 1600. Les madrigaux dramatiques d’Orazio Vecchi eurent aussi une grande influence sur la création du genre O., dans son acception comique ou bouffonne (voir plus loin).

À Florence, le poète Rinuccini, inspirant les musiciens Peri, Caccini, Monteverde, Marco da Gagliano, exerça l’action la plus efficace sur la création du théâtre chanté, que Andreini fit connaître aux Français, dès 1613, avec Adamo, dédié à la reine de France, la Centaura et la Ferinda, mais qui n’étaient guère que de petites comédies. L’Orfeo, de Monteverde, avait cependant précédé ces œuvres, puisqu’il fut représenté en 1607 à la cour de Mantoue, sous le titre de favola in musica. Cette œuvre contient tous les éléments de ce qu’on nommera l’O.-seria ou O. « sérieux » ; rien n’y manque : toccata d’ouverture ; prologue ; sujet tragique ou dramatique ; actes entièrement chantés, accompagnés d’orchestre, chacun de caractère différent, avec soli, récitatif et airs, ensembles et chœurs, musique mélodramatique, scènes dansées. L’Orfeo de Monteverde marque une date, et son sujet même devait être combien de fois exploité ! À la fin de sa carrière, le même maître donnait L’Incoronazione di Poppea (Le couronnement de Poppée, 1642), qui caractérise les progrès non de forme, mais de souplesse dans l’action et dans l’écriture réalisés depuis près d’un demi-siècle. C’est peu après, après l’autre Orfeo, de Luigi Rossi, que la France devait connaître (1647) dans tout son développement, le genre nouveau, grâce à la ténacité de Mazarin, qui tenait à acclimater chez nous l’O. italien, bien plus important que les comédies chantées ou les pastorales déjà connues, seuls spécimens du théâtre chanté alors introduits en notre pays. L’O. italien allait susciter des critiques et des émulations dont, en peu d’années, l’O. français (voir ci-après) devait sortir, plus fidèle pendant longtemps aux modèles apportés de la péninsule que les compositions futures qui y connaîtraient le succès. En aucun autre genre, en effet, les formes ne se sont transformées aussi souvent et aussi radicalement que dans l’O. italien. Du nombre incroyable d’O.-seria représentés en Europe pendant cent cinquante ans, depuis le milieu du xviie s. jusqu’à la fin du xviiie, pas un seul ne pourrait reparaître aujourd’hui au théâtre, sinon à titre de curiosité historique, comme cela a eu lieu pour L’Incoronazione di Poppea. L’O.-seria italien néanmoins, constituait un genre, que les compositeurs étrangers étaient tenus de suivre pour obtenir la faveur du public : sauf exception, on ne considérait guère l’O., sauf en France, qu’uni à la langue italienne. L’O. italien fit la renommée de Hændel, et c’est avec le même genre que Gluck et Mozart gagnèrent leurs premières victoires, tandis que, peu à peu, sous les exigences des virtuoses et l’extrême liberté qu’ils prenaient avec les œuvres, sous la poussée de l’O.-buffa (voir plus loin), l’O.-seria italien tombait dans l’exagération