Page:Dictionnaire politique, encyclopédie du langage et de la science politiques, 1842.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR.


Les sciences exactes, les sciences physiques, les sciences astronomiques ont leur langue formée, convenue, définie ; la science politique n’a pas encore la sienne. C’est-à-dire que les mots dont l’usage est le plus fréquent dans les discussions parlementaires, dans les débats de la presse et dans les conversations privées qui ont rapport à la politique, n’emportent pas une signification précise, un sens positif et universellement accepté.

Il y a là un grave danger. Que Buffon et Cuvier ne soient pas parfaitement d’accord sur la description anatomique d’un éléphant ou d’un ciron, cela n’influe en aucune façon sur les destinées du monde. Mais, en politique, ainsi qu’en morale, la moindre incertitude sur la valeur des mots peut entraîner les plus fâcheuses conséquences. De la confusion du langage naît la confusion des idées. L’esprit s’égare au milieu des interprétations diverses. Dépourvue d’unité, la langue, journellement faussée par l’ignorance, habilement exploitée par l’intrigue, est la source d’une foule de préjugés, d’erreurs, de sophismes et d’équivoques ; puis, les mauvaises passions s’en emparent, elles s’appliquent à augmenter le chaos, et bientôt la parole écrite ou parlée, loin d’être un moyen de civilisation et de progrès, devient un instrument de désorganisation et de mensonge. Combien de dissensions intestines, de guerres civiles, de guerres de religion n’ont pas eu d’autres causes que des mots mal compris ! Et ne peut-on pas dire que l’ambiguïté des termes a, bien plus que l’antagonisme des idées, fait couler le sang humain.