expriment rarement les propriétés du sujet ; et au lieu que dans l’origine ils furent adoptés par les chefs de familles conformément à une tradition établie, ou donnés par les sages d’après une analogie bien reconnue, ils ont fini par être soumis au caprice du peuple, qui les a assignés fortuitement et sans réflexion, et à mesure que le besoin s’en est fait sentir dans l’usage de la vie : de là la difficulté d’approfondir comment s’est faite l’imposition des noms, accidentellement ou d’une manière judicieuse.
Ce que je viens de dire des noms en général, peut s’appliquer aux noms propres, dont l’objet est, pour l’ordinaire, de distinguer les individus, ou de présenter à l’esprit des êtres déterminés par l’idée d’une nature individuelle. Mais, outre cette première fonction, sans doute que, dans le principe, ils eurent encore une autre destination. Chez les Hébreux, par exemple, les noms s’imposaient, ou d’après un ordre divin, ou conformément aux avantages désirés a la personne nommée, ou d’après les circonstances de la naissance des enfans. Platon n’a donc pas tort de soutenir, dans son Cratylus, qu'il y a souvent un rapport certain entre le nom propre et le personnage qui le porte ; et, partant de ce principe, de supposer qu'en général les noms n’ont pas été donnés au hasard et au gré d’un caprice aveugle, mais qu'ils eurent d’abord une analogie réelle avec le caractère, les vices et les vertus, la profession, etc. des individus qui les reçurent. Mais il va trop loin aussi, lorsqu'il leur reconnaît une sorte de vertu prophétique, une espèce de fatalité entraînante qui détermine la manière d’exister ; comme Agis, Agésilas, etc. « qui, dit-il, annonçaient d’avance le commandement, l’autorité dont ces princes ont été revêtus. »
Une opinion plus probable, c’est que les noms propres n’acquièrent une signification individuelle qu’en vertu d’un usage postérieur ; car on peut regarder comme un principe général, que le sens étymologique de ces mots est constamment appellatif. Peut-être en trouverait-on plusieurs sur lesquels on ne pourrait vérifier ce principe, parcequ’il serait impossible d’en assigner la première origine ; mais, par la même raison, l’on ne saurait prouver le contraire : au lieu qu’il n’y a pas un nom propre dont on puisse assigner l’origine, dans quelque langue que ce soit, que l’on n’y retrouve une signification appellative et générale.
En hébreu, tous les noms propres de l’Ancien Testament sont dans ce cas : il en est de même chez les Grecs ; témoins Alexandros, brave défenseur ; Aristoteles, but excellent ;