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soupçonnés d'un vol, et qu'on ne peut en convaincre aucun en particulier, on écrit les noms de tous ceux qu'on soupçonne, sur des billets, et on les dispose en forme de cercle. On évoque ensuite l'esprit avec les cérémonies ordinaires, et l'on se retire après avoir fermé et couvert le cercle de manière que personne ne puisse y toucher. Ou revient un peu après, on découvre le cercle, et celui dont le nom se trouve hors de rang est censé le seul coupable. — † Lorsqu'un prêtre de l'île de Ceilan veut consulter ses dieux, il charge sur son dos les armes qui se trouvent dans le temple qu'il dessert. Après cette cérémonie il est saisi tout-à-coup d'un transport extatique. La divinité s'empare de lui, et, pendant les accès de sa sueur prophétique, il prononce des oracles que la foule crédule écoute avec respect. Lorsqu'un malade ne reçoit aucun soulagement des remèdes qu'on lui administre, on consulte ainsi les dieux : on fait avec de la terre, sur une planche, la figure du malade en demi-relief ; ensuite tous les parents et amis se rassemblent et font un grand festin, après lequel ils se rendent au lieu qui est fixé pour la cérémonie. On forme un cercle autour de la chambre, en laissant au milieu un grand espace vide. La lueur des flambeaux, et le bruit des tambours et d'autres instruments donnent un air de fête à tout cet appareil. Une fille, soi-disant vierge, danse au milieu de la chambre pendant que les assistants l'accompagnent de leurs chants. Après quelques bonds, la danseuse, comme vaincue par l'esprit qui l'agite, se jette à terre, et fait toutes les contorsions d'une énergumène, etc. L'écume qui sort de sa bouche, les éclairs qui jaillissent de ses yeux, ne permettent pas à l'assemblée de douter qu'un génie ne se soit emparé de son corps. Dans cet état, l'un des assistants l'aborde avec respect, lui présente quelques fruits, et la prie de vouloir bien lui enseigner un remède qui puisse guérir le malade. Souvent la prophétesse, peu sûre de sa réponse, prétend ne pouvoir parler, parce qu'il y a dans la foule un de ses grands ennemis. On ne manque pas de l'expulser aussitôt qu'elle l'a fait connaître. La devineresse alors prononce, d'un ton d'oracle, quels sont les moyens curatifs. Quelquefois l'événement dévoile la fourberie ; mais la fille allègue toujours quelques prétextes, et s'excuse en disant que ceux qui l'entendent n'ont pas bien compris le sens de ses paroles. Quoi qu'il en soit, après l'oracle rendu, on lui fait de grands remerciements : on lui consacre un arbre, au pied duquel on lui sert différents mets entourés de fleurs, etc. — tChez les Siamois, lorsqu'ils doivent entreprendre une affaire importante, il, vont dans une caverne qu'ils croient être sacrée, et y font des sacrifices en l'honneur de l'esprit ou du génie qui, selon eux, habite dans cette caverne. Ils l'invoquent pour qu'il leur fasse connaître quel sera le succès de l'affaire ; et, lorsqu'ils sont près de s'en retourner, ils observent avec beaucoup de soin la première parole qu'ils entendent dire au hasard, parce qu'ils sont bien persuadés qu'elle leur fera connaître la réponse de l'esprit qu'ils ont invoqué. — † Parmi certains Tartares, nommés Daitres, il est une autre manière bizarre de connaître la volonté de l'oracle. Ils se rendent, au milieu de la nuit, dans un endroit destiné à leurs assemblées ; et, lorsqu'ils sont réunis en assez grand nombre, ils commencent à pousser des hurlements affreux, qui sont rendus plus efficaces par le silence qui règne dans tonte la nature ; des roulements de tambours accompagnent ces cris lugubres. Pendant cet horrible et effrayant concert, un de ces Tartares, couché par terre, attend que l'esprit divin daigne lui révéler l'avenir. Après un certain temps. il se relève plein du dieu qui vient de lui


parler, et pendant ce reste de fureur prophétique il raconte aux assistants ce que le génie lui a communiqué dans son extase, et ses contes les plus absurdes sont accueillis comme des oracles infaillibles. — † Les Tartares Samoièdes consultent leurs prêtres d'une manière un peu brutale : ils leur serrent le cou avec une corde, et si fortement, qu'ils tombent à demi morts. Cet état de souffrance leur tient lien d'extase, et c'est dans ce moment qu'ils prédisent les choses futures. Le sang leur coule des joues, et ne s'arrête que lorsqu'ils ont fini de rendre leurs oracles. — † Les prêtres de l'Amérique Septentrionale, pour rendre leurs oracles, forment une cabane ronde par le moyen de plusieurs perches qu'ils enfoncent dans la terre, et sur lesquelles ils étendent des peaux d'animaux. Ils font, à l'ouverture de cette cabane, une ouverture assez large pour qu'un homme y puisse passer. Le jongleur s'y enferme seul, donnant à croire qu'il va s'entretenir avec le dieu. Il met tout en usage pour s'en faire entendre : chant, pleurs, prières, etc., il ne néglige rien pour l'attendrir. Le Machi-Manitou (nom que les prêtres donnent à leur divinité), ne pouvant plus résister à de pressantes sollicitations, fait connaître sa réponse. Alors il se manifeste un bruit sourd dans la cabane ; une force secrète donne de violentes secousses aux perches qui la soutiennent. Les spectateurs sont saisis de crainte et en même temps de respect ; le rnsé prêtre profite alors de ces dispositions de l'assemblée pour annoncer les oracles du Dieu. — tLes prêtres du royaume de Bénin, pour connaître l'avenir, font trois trous à un pot, frappent dessus, et, selon le son qu'il rend, ils jugent de ce qui doit arriver. Cette superstition ou momerie s'appelle l'Oracle de Dieu, et le peuple annonce le plus grand respect lorsqu'il a besoin de le consulter. Dans ce même pays, le grand-prêtre de Loébo est adoré et respecté comme un grand prophète. Les naturels sont persuadés que ce prêtre connaît les secrets les plus impénétrables de l'avenir : aussi sontils saisis d'une sainte extase lorsqu'ils approchent de cet homme qu'ils regardent comme divin. Ceux même que le roi envoie pour le consulter, ne peuvent lui toucher la main que lorsqu'il en donne la permission. — † myth, amér. Les habitants des Antilles ont assuré, dans le temps, que leurs démons, qu'ils regardaient comme des oracles, leur avaient annoncé long-temps auparavant l'invasion des Espagnols dans leur pays et les affreux ravages qu'ils y exercèrent. Pour détourner ce malheur, ils avaient redoublé leurs offrandes et leurs sacrifices : mais rien ne peut empêcher l'accomplissement de la fatale prédiction. — † Les prêtres du Brésil ont aussi une manière particulière de consulter l'oracle. Celui qui a été choisi pour s'entretenir avec le Diable, doit s'abstenir de tout commerce avec sa femme pendant neuf jours. Après que ce tenue est expiré, il va dans une cabane qu’on a construite exprès pour lui ; il prend d’abord un bain, avale ensuite un breuvage qui doit avoir été préparé par une jeune vierge, et enfin se couche dans un hamac : c'est là que le démon vient le trouver, et répondre à ses questions ; ce qui forme l'oracle. — † Dans le royaume d'Arda, en Afrique, le Marabout ou grand-prêtre donne audience à tous ceux qui viennent le consulter. Il y a, dans la salle où se fait cette consultation, une petite statue à peu près grande comme un enfant : les peuples crédules disent que c'est le Diable qui s'entretient avec leur grand-prêtre, et qui lui découvrent l'avenir. Ils prétendent que cette statue annonce l'arrivée des vaisseaux européens, sept mois avant leur entrée dans le port. Les familles s'assemblent dix fois par an afin de repère leurs hommages à leurs


idoles, et les consulter sur les événements futurs. Le prêtre leur interprète la réponse de la divinité mais d'une voix très-basse, pour y mettre pins de mystère. Il répand ensuite sur la fétiche quelques gouttes de liqueur. Chaque membre de la famille en fait autant ; ensuite l'on commence boire, et souvent on s'énivre en l'honneur de la divinité. — † Dans d'autres endroits, l'oracle est pris sur un arbre, sur la présence d'un chien, auprès d'une fétiche, d'après le murmure d'une, rivière avec certaines cérémonies, etc., etc. »

ORAGE. s. m. Tempête, vent impétueux ; grosse pluie ordinairement de peu de durée, et quelquefois accompagnée de grand vent, de grêle, d'éclairs et de tonnerre. L'orage gronde, le tonnerre se fait entendre. - Il va y avoir de l'orage. — fig. Malheur dont on est menacé. Conjurer, laissa passer l'orage, — Se dit aussi des reproches et dei emportements de ses supérieurs. Votre père est fort en colère, vous allez essuyer un grand orage. — Se dit aussi des troubles publics, des guerres menaçantes. Il apaisa par sa sagesse l'orage dont ses États étaient menacés.

ORAGEUX, EUSE. adj. Qui cause de l'orage. Vent orageux. — Qui est sujet à l'orage. Mer orageuse. — Temps orageux, saison orageuse, temps, saison où il arrive ordinairement des orages. Hg. Orageux, ce qui est sujet aux troubles, à l'agitation, aux révolutions. Mener une vie orageuse. Une cour orageuse. — Se dit d'une assemblée où il y a de vives discussions. La séance était orageuse. — Se dit d'un règne qui éprouve des trahisons, des guerres intestines, etc. Le commencement de ce règne fut très-orageux.

ORAIN. s. m. V. ORIN.

ORAIRE. adj. des 2 g. Obtenu par prière † (Boiste.) inusité.

ORAISON, s. f. gram. Discours, assemblage de mots qui forment un sens complet, et qui sont contraints selon les règles grammaticales. — † Pièce d'éloquence en prose destinée à opérer la conviction et la persuasion. — Discours qu'on prononce à la louange des morts. Oraison funèbre. — † Les oraisons funèbres de Fléchier, recueil des oraisons que prononça Fléchier sur des princes et princesses, sur la vie de certains rois de France. — Prière adressée à Dieu, à la Vierge et aux Saints. — L'oraison dominicale, le Pater noster. — L'oraison de la messe. — Méditation. Faire l'oraison. — Oraison, † myth. Figure représentée sous les traits d'une femme à genoux, les bras ouverts : d'une main elle tient un encensoir fumant, et de l'autre un cœur enflammé qu'elle présente au ciel, d'où part un rayon de lumière qui descend vers elle. — † Sous Louis XIV, plusieurs orateurs chrétiens brillèrent dans le genre de l'oraison funèbre. Bossuet s'y est acquis une gloire immortelle ; et, après lui, Fléchier et Mascaron tiennent le second rang. V. ORAISONS FUNÈBRES, s. f. pl.

† ORAISONS FUNÈBRES. s. f. pl. antiq. Cet usage, pratiqué chez les Grecs et chez les anciens Romains suivi chez les modernes, se retrouve aussi chez certaines nations peu civilisées. Dans plusieurs endroits de l'Afrique, après les obsèques d'un nègre d'un rang distingué, un prêtre prononce un discours pathétique ; et, en s'étendant avec emphase sur les qualités et les vertus du défunt, il exhorte ses auditeurs à les imiter et à remplir exactement leurs devoirs. Selon le rapport d'un voyageur qui assista au discours de cette espèce, l'un de ces orateurs, après avoir fini ses exhortations, prit en main les mâchoires des moutons que le mort avait sacrifiés pendant sa vie. Ces mâchoires étant enfilées formaient nne espèce de chaîne, dont le prêtre tenait un bout, tandis que l'autre était dirigé vers la fosse. Il exalta beaucoup le zèle du défunt pour les sacri-