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PART. I. — TEXTES DE L’ANCIEN TESTAMENT. — ESDRAS IV.

mon empire du salut[1] que je leur avais préparé, car je les avais choisis[2] dès le commencement.

9. Mais pour ceux qui ont corrompu mes voies, ils seront accablés de misères[3], et ceux qui les ont rejetées avec mépris n’auront pour partage que des tourments sans fin.

10. Car je les avais comblés de bienfaits pendant leur vie et ils ne m’ont point connu.

11. Ils n’avaient que du dégoût pour ma loi, lorsqu’ils étaient encore en pleine liberté de la suivre[4].

12. Et ayant encore le temps de faire pénitence, ils n’en ont point profité et se sont fermé les yeux ; il est donc juste que, livrés enfin à la mort, ils soient instruits par les tourments et les supplices[5].

13. Ne cherche donc plus à connaître de quelle manière les impies seront tourmentés ; efforce-toi donc plutôt de découvrir quel sera le bonheur des justes, qui sont ceux qui composeront le siècle futur, et quand il commencera à paraître[6].

14. Alors je répondis et je dis :

15. Je l’ai dit autrefois[7], je le dis encore, et je ne cesserai de le dire ; ceux qui tombent dans la perdition sont en plus grand nombre que ceux qui seront sauvés,

16. Comme le flot de la mer est plus grand qu’une des gouttes dont il est formé, et il me dit :

17. Tel est le champ, telles sont les semences ; telles sont les fleurs, telles sont les couleurs ; tel est l’ouvrier, tel est son ouvrage ; tel est le laboureur, tel est son travail : car tel était l’ordre qui régnait dans l’univers[8].

18. Lorsque je préparais le monde qui devait être la demeure des hommes qui l’habitent à présent, personne alors ne s’opposait à mes volontés,

19. Et[9] chacun obéissait ; mais depuis qu’il subsiste, la corruption des mœurs s’est multipliée par une fécondité malheureuse et par une loi secrète.

20. J’ai donc considéré ce siècle, et j’ai vu les malheurs qu’allaient attirer sur lui ses désirs criminels.

21. Je l’ai néanmoins épargné, et je me suis réservé un grain de la grappe et une plante d’une race nombreuse.

22. Périsse donc à jamais cette multitude ingrate et stérile[10], et qu’il n’en reste que ce[11] grain et cette plante que j’ai cultivée avec tant de soins[12].

23. Pour toi, Esdras, laisse encore passer sept jours, pendant lesquels tu ne jeûneras point.

24. Mais tu iras dans un champ rempli de fleurs et dans lequel il n’y a aucune maison ; tu ne te nourriras que des fleurs qui y croissent, tu ne mangeras pas de viande et tu ne boiras point de vin.

25. Offres-y sans cesse tes prières, j’y viendrai et je m’entretiendrai avec toi.

26. J’allai donc, comme le Seigneur me l’avait dit, dans un champ qui s’appelait Ardath[13]; je m’y assis au milieu des fleurs, et je mangeai des herbes qui y croissent, jusqu’à en être rassasié.

27. Au bout des sept jours, lorsque j’étais encore couché sur l’herbe de ce champ, je sentis mon cœur agité comme auparavant.

28. Et alors, ouvrant ma bouche, je commençai à parler au Très-Haut, et je lui dis :

29. Seigneur, avant de vous montrer à nous, vous vous êtes fait voir à nos pères dans le désert, ce lieu stérile et inhabité, et lorsqu’ils sortirent de l’Égypte, vous leur dites :

30. Israël, écoute-moi ; et toi, maison de Jacob, sois attentive à mes paroles.

31. Car je vais mettre ma loi dans vos cœurs comme une semence ; elle y portera du fruit et elle vous rendra à jamais glorieux sur la terre.

32. Mais vos pères, après avoir reçu ma loi, ne l’ont point gardée ; ils ont violé mon alliance, la loi n’a porté aucun fruit en eux, et elle ne le pouvait ; car c’était de vous qu’il devait sortir[14].
  1. Litt.: Mon salutaire dans ma terre et dans mes frontières, c’est-à-dire, le Sauveur que j’ai envoyé mon peuple et aux nations qui les environnent.
  2. Je me les suis sanctifiés. Ce mot, selon les Hébreux, peut signifier aussi, je les ai séparés el mis à part pour moi.
  3. Litt. Ils feront pitié, c’est-à-dire, par le misérable état où ils seront réduits, ils se feront horreur à eux-mêmes.
  4. Le verset suivant explique celui-ci.
  5. Voy. ce que dit le Sage au Livre de la Sagesse, v, 3 et suiv.
  6. Litt. À qui appartient le monde et pour lesquels le monde est, et quand ils en seront absolument victorieux.
  7. Voy. le vers. 1 du chap. vin ci-dessus.
  8. C’est-à-dire, dès le commencement du monde, et selon la nature ; mais depuis le péché de l’homme, tout cet ordre a été renversé. Voy. le vers. suivant.
  9. Ce verset est très-obscur, et l’on peut lui donner cet autre sens : Tous les hommes étaient alors présents à mes yeux, et depuis je les ai créés successivement sur cette terre parée pour leurs besoins, où les moissons ne trompaient jamais leur attente et où tout était réglé par un enchaînement de causes incompréhensibles ; mais leurs mœurs se sont corrompues.
  10. Litt. : Née en vain.
  11. Litt. : Mon grain et ma plante.
  12. Litt. : Parce que je l’ai cultivé avec beaucoup de travail.
  13. On ne sait point ce que signifie ce mot hébreu ; mais peut-être lisait-on autrefois arga ou haruga, qui signifie parterre de fleurs ou champ de fleurs, et sans doute que ce mot a été corrompu par les copistes.
  14. Ce verset est obscur, peut-être par l’omission de quelques mots, c’est ce qui oblige les interprètes de lui donner divers sens. Quelques-uns lui donnent celui-ci : Le fruit de la loi n’a point paru et n’a rien produit ; car il ne le pouvait, parce qu’il n’y en avait point. D’autres : La loi a été sans fruit, ce qui ne devait pas être, puisqu’elle venait de nous. Les versets 36 et 37 ci-après semblent donner à ce verset un troisième sens, qui est celui-ci : Le fruit que la loi devait produire n’a point paru, mais la loi n’en a point souffert, car elle ne le pouvait puisqu’elle venait de vous.