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PART. I. — TEXTES DE L’ANCIEN TESTAMENT. — ESDRAS III.

accordée par Cyrus aux Juifs de rebâtir le temple ? — 2o L’auteur suppose que Zorobabel ne revint pas le premier en Judée, lorsque Cyrus y renvoya les Juifs, et il suppose cela contre la vérité de l’histoire[1]. — 3o Il ne met la consécration de l’autel[2] et le renouvellement des sacrifices que dans la seconde année de Darius, ce qui répugne encore au vrai Esdras, qui nous apprend que cela arriva au septième mois (dans la première année du retour des Juifs), sous le règne de Cyrus, et avant qu’Artaxerxès eût défendu de continuer l’ouvrage du temple[3]. — 4o Il donne à Esdras la qualité de grand prêtre[4] dans une circonstance où nous savons par Néhémias[5] qu’Esdras n’était qu’un simple prêtre. — 5o Il avance sans aucune preuve deux faits insoutenables l’un, que Zorobabel était garde du corps de Darius (en Perse)[6], pendant que le même Zorobabel était sûrement à Jérusalem[7]; l’autre fait aussi incroyable que le premier, est que Darius (lorsqu’il fut élevé à l’empire) fit vœu de rebâtir le temple de Jérusalem[8]. Si cela était, qu’était-il besoin de faire fouiller dans les archives pour savoir si Cyrus l’avait autrefois permis[9]. — 6o Il fait dire à Darius, qu’il donne aux Juifs une entière immunité de toutes sortes de charges[10] ; et nous savons par Néhémias que les Hébreux étaient surchargés de tributs[11]. — 7o Il distingue, ce semble, Néhémias d’Athersatha[12], quoique selon l’opinion commune Athersatha soit simplement le nom de l’office d’échanson[13], que Néhémias avait eu auprès d’Arinxerxès ou plutôt s’il n’a pas prétendu les distinguer, il confond cet Athersatha dont il est parlé au temps de Zorobabel, avec Néhémias qui ne revint que longtemps après Zorobabel[14]. — 8o L’auteur avance une fausseté manifeste, et tombe dans une contradiction visible contre lui-même, lorsqu’il dit que Zorobabel pria Darius de renvoyer à Jérusalem les vases sacrés, que Cyrus avait préparés à cet effet[15], comme si Cyrus n’eût pas exécuté ce dessein ; ce qui est tout opposé à ce qu’en dit le vrai Esdras, et à ce que l’auteur même en a écrit au chap. II, vers. 10, 11, 12. — 9o Il charge, contre toute apparence, les Iduméens du crime de l’incendie du temple[16], lorsque Jérusalem fut prise par les Chaldéens. — 10o Il renverse l’ordre des temps et des événements, en voulant réunir ensemble toute l’histoire d’Esdras. Il place à la fin de son dernier chapitre[17], une circonstance qui n’arriva que sous Néhémias, et qui n’est rapportée que dans le livre de ce dernier[18]. — 11o Il dit que Darius donna aux Juifs qui s’en retournaient à Jérusalem une escorte de mille chevaux pour les conduire en paix et en sûreté[19]; précaution assez inutile pour escorter une troupe de près de cinquante mille hommes. — 12o Enfin, il donne à son récit l’air d’une fable, en disant que ces trois officiers se partagent les honneurs[20] et prescrivent en quelque sorte au roi les récompenses dont il doit honorer celui qui aura gagné le prix. De plus, ces récompenses sont excessives, c’est tout ce que pourrait prétendre un général qui aurait gagné des batailles et conquis des provinces.

Le reste du livre, du moins ce qu’il y a de vrai et de bien lié, est tiré du premier livre d’Esdras, presque mot pour mot ; ainsi nous ne le rapporterons pas ici. Nous croyons donc que l’auteur du troisième livre est un Juif helléniste, qui, pour donner cours à l’histoire du problème que nous avons vu, a jugé à propos d’ajuster à sa narration le vrai texte d’Esdras. Mais il n’était point assez habile pour une entreprise si délicate ; il est tombé dans des fautes si grossières que son ouvrage a été avec raison rejeté des Églises ; et l’on s’en est tenu au texte hébreu des Juifs, et aux anciens exemplaires grecs qui n’avaient pas reçu cette addition.

Faut-il adopter le jugement que porte D. Calmet sur le IIIe livre d’Esdras ? L’abbé de Vence ne l’a pas cru, et il a entrepris de réfuter le docte Bénédictin. Cette réfutation n’a pas paru bien solide à l’éditeur de sa Bible, qui, à son tour, a entrepris de justifier D. Calmet contre la critique de l’abbé de Vence il a inséré cette justification dans le tome XVIIIe de la quatrième édition, et dans le tome XXVe p. 113 seq., de la cinquième. Il nous semble que D. Calmet a été exagéré dans ses objections contre le livre d’Esdras, et dans les reproches qu’il adresse à l’auteur de ce livre ; que l’abbé de Vence a plus d’une fois raison contre D. Calmet ; qu’il aurait pu l’avoir encore plus souvent, et qu’il avait droit à plus de ménagement de la part de son critique. Il nous semble aussi qu’on attribue à l’auteur du IIIe livre d’Esdras, des fautes qui sont celles de ses copistes, et d’autres qu’une chronologie exacte et des monuments historiques feraient disparaître, du moins en partie ; mais, où sont ces monuments historiques, et qui est-ce qui nous fera cette chronologie ? En fait d’auteurs protestants qui se sont occupés des livres apocryphes attribués à Esdras, nous citerons Fabricius. Codex pseud. Vet. Test.
  1. I Esdr. ii, 1 et seqq.
  2. III Esdr. v, 47 et seqq.
  3. I Esdr. vi, 1 et seqq.
  4. III Esdr. ix, 39, 40-50.
  5. II Esdr. viii, 2-9.
  6. III Esdr. iii, 4-13.
  7. I Esdr. v, 1, 2.
  8. III Esdr. iv, 45.
  9. II Esdr. vi, 23.
  10. II Esdr. iv, 50.
  11. II Esdr. v, 4, et ix, 37.
  12. III Esdr. v, 40.
  13. II Esdr. viii, 9.
  14. Voy. notre note sur le verset 40 du ch. IV.
  15. III Esdr. iv, 44 et 57.
  16. Ibid. 45.
  17. III Esdr. ix, 37 et seqq.
  18. II Esdr. viii, 1 et seqq.
  19. III Esdr. v, 2.
  20. III Esdr. ii, 5, et seqq.