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que comme divinités lunaires qu’Astarté en Phénicie est figurée dans le zodiaque[1] et que l’Artémis d’Éphèse reçoit celui-ci comme décoration de son vêtement[2].

Dans le paganisme romain, Esculape aussi avait été élevé à la dignité de « Sauveur du Tout » (σωτὴρ τῶν ὅλων)[3], mais les petits monuments où il apparaît, avec ou sans Ilygie, accompagné des signes du zodiaque, sont, semble-t-il, inspirés par les théories de l’iatromathématique[4], qui faisait dépendre les cures de la position des étoiles[5].

C’est une idée souvent développée par les anciens que la victoire est un don de la Fortune. Il n’est donc pas surprenant qu’on voie Nikè sur son quadrige entourée du zodiaque[6]. Cette Victoire est probablement celle qui assure, non pas la domination de la terre, mais simplement le triomphe aux jeux du cirque. Un écrivain du iie siècle explique d’ailleurs que les hippodromes sont construits de façon à représenter le monde et que les douze portes par où sortent les chars sont « les douze demeures du zodiaque, qui gouverne la terre et la mer et le cours transitoire de la vie humaine »[7].

Une belle intaille, dont le sujet fait allusion aux Jeux Séculaires célébrés par Domitien, porte en exergue le cercle du zodiaque[8]. Celui-ci rappelle ici, comme sur les monnaies d’Alexandrie relatives à la période sothiaque (p. 1057), les cycles d’années qui s’achèvent et recommencent indéfiniment. Sur le célèbre bas-relief de l’apothéose d’Antonin et de Faustine [apotheosis, fig. 390][9], une intention analogue a fait placer un globe céleste avec le zodiaque dans la main du génie du Temps (Αἰών), qui emporte au ciel le couple impérial, et nous avons vu (p. 1056) que les signes étaient sculptés parfois sur le corps du Kronos mithriaque.

Les empereurs divinisés sont sideribus recepti, et cette doctrine est exprimée d’une façon sensible dans les représentations de l’apothéose[10]. Un diptyque consulaire du ive siècle [diptychon, fig. 2640] nous montre un prince, probablement Constance Chlore, porté par les génies des Vents jusqu’à l’assemblée des dieux, que traverse la moitié du zodiaque avec un buste du Soleil dans l’écoinçon, l’autre moitié devant se trouver avec le buste de la Lune sur le second feuillet, qui est perdu[11]. Comme il arrive parfois sur les sarcophages mythologiques de l’époque impériale, l’arc portant les signes astronomiques ne fait guère ici que situer dans le ciel le lieu de la scène[12]. Ailleurs l’idée suggérée est plus profonde : le zodiaque, comme en Égypte (p. 1048), fait allusion à la doctrine de l’immortalité sidérale. Un beau sarcophage du palais Barberini à Rome (fig. 7599)[13], qui date de la seconde moitié du iiie siècle, nous montre, au centre, les bustes des défunts dans la couronne du zodiaque ; au-dessous, des génies faisant la vendange rappellent l’espoir d’une béatitude éternelle que donnaient les mystères dionysiaques. Quatre personnages, placés deux de chaque côté, représentent les quatre Saisons : l’hiver est personnifié par Attis, couronné de roseaux, avec un sanglier près de

Le zodiaque autour des bustes des défunts
Fig. 7599. — Le zodiaque autour des bustes des défunts.

lui — ici se trahit l’influence des cultes orientaux ; — à sa gauche, le Printemps, couronné de fleurs, a à ses pieds un pâtre trayant une chèvre ; de l’autre côté, se tiennent l’Été et l’Automne, l’un couronné d’épis, l’autre de pampres, accompagnés le premier d’un moissonneur liant sa gerbe, l’autre de la panthère et du cratère de Bacchus. Les Saisons, qui marquent la mort et le réveil de la nature, sont, dans ces compositions funéraires, l’emblème de la résurrection[14]. Sur le monument funéraire d’Igel, c’est l’apothéose d’Hercule qui doit rappeler l’immortalité réservée aux défunts pour qui ce tombeau fut élevé : le héros, emporté sur le char d’Athèna, monte dans l’espace et est entouré par l’anneau du zodiaque[15]. Ses douze travaux étaient mis en rapport avec les douze signes par ceux qui enseignaient que les morts parvenaient au ciel par cette voie[16]. En effet, une doctrine attribuée à Zoroastre voulait que les âmes descendissent du ciel et y remontassent par le cercle des douze constellations[17]. La forme primitive de cette croyance, telle qu’elle a subsisté dans le manichéisme[18], est que la révolution du zodiaque les faisait monter jusqu’au zénith, à la façon des grandes roues hydrauliques qui puisaient et élevaient l’eau de l’Euphrate et de l’Oronte. Cette idée naïve fut

    s. v. « Gorgo », col. 1644, 1646.

  1. Supra, p. 1048, n. 10.
  2. Gädechens, op. l. no 9 ; cf. Helbig, Führer Samml. Rom. 3e éd. no 337. Ces signes sont censés être tissés dans l’étoffe du vêtement ; cf. supra, p. 105, n. 4.
  3. Thraemer, dans Pauly-Wissowa, Realenc. s. v. Asklepios, col. 1662.
  4. Bouché-Leclercq, Astr. gr. p. 517 sq.
  5. Intaille, qui doit avoir servi de talisman : Esculape et Hygie ; au-dessous, Croissant lunaire et Vénus (?) ; autour, le zodiaque (Müller-Wieseler, pl. Lxi, no 785). Lamelle de bronze avec la dédicace Aesculapio sacrum (Corp. inscr. lat. VI. no I) entre le Soleil, le Cancer, le Scorpion et les Poissons, c’est-à-dire un des trigones zodiacaux (Bouché-Leclercq, op. l. p. 169 sq. 199 sq.). Le même trigone apparaît sur une pierre gravée de Florence (Gori, Mus. Flor. II, pl. 89, 4 = S. Reinach, Pierres gravées, pl. 69 et p. 68). Cf. supra, p. 1054, n. 6.
  6. Gädechens, nos 72-74. Cf. Furtwängler, Beschr. geschn. Steine in Berlin, 1896, no 6736 : « Nikè avec couronne et palme au-dessus du signe du Capricorne. Le Capricorne, signe d’Auguste (supra, p. 1051), était devenu le maître de la victoire.
  7. Charax ap. C. Müller, Fragm. hist. graec. III, p. 640, fr. 19 ; cf. mes Mon. myst. de Mithra, t. II, p. 69 : Τὰς δεκαδυο θύρας τοῦς δώδεκα οἴκους ἱστόρησε τοῦ ζωδιακοῦ τοῦ διοικοῦντος τῆν γῆν καὶ την θάλασσαν καὶ τὸν τῶν ἀνθρώπων παροδικὸν τοῦ βίου δρόμον.
  8. Cabinet d’Orléans, II, 34 = S. Reinach, Pierres gravées; pl. 129 et p. 143.
  9. Deubner, Röm. Mitteil. XXVII, 1912, p. 17 ; Helbig, Führer Samml. in Rom, 3e éd. no 123. Cf. Stevenson, Dictionary of roman coins, Londres, 1889, p. 927 : Hadrien, tenant le globe, surmonté du phénix, dans le cercle du zodiaque, avec la légende secvlvm avrevm.
  10. Cf. Gädechens, l. c. nos 79 sq.
  11. Ce diptyque, faussement dénommé autrefois Apothéose de Romulus (Millin, Gal. mythol. II, pl.clxxviii, no 659) a été étudié récemment par Graeven (Athen. Mitt. XXVIII, 1913, p. 271 sq. ; cf. Strong Apotheosis and afterlife, 1915, p. 227, pl. xxxi), qui en a éclairci la signification, mais prétend à tort reconnaître Hypnos et Thanatos dans les deux génies des Vents. Les Vents, qui emportent les âmes, apparaissent fréquemment dans la sculpture funéraire ; cf. Jahresh. Instit. Wien, t. XII, 1910, p. 213.
  12. Sarcophage de Mars et Rhéa Silvia au palais Mattei (Matz-Dubn, Ant. Bildwerke in Rom. no 2236) ; Lion, Vierge, Scorpion près de l’assemblée avec le mythe d’Endymion, au palais Doria (Ibid. no 2717 = Robert, Sarkophagreliefs, III, no 77, pl. xx) : dans un coin Hélios sur morceau du zodiaque. Même représentation sur un sarcophage de Paris, à la villa Médicis (Robert, op. l. t. II, no 2 ; cf. Graeven l. c. p. 292.
  13. Montfaucon, Ant. expl., Suppl. t. I, pl. iii ; Matz-Duhn, op. l. t. II, no 3016. Cf. Strong, op. l. pl. xxxii. p. 228.
  14. Cf. Cumont, 1916, p. 6 sq.
  15. S. Reinach, Répertoire de reliefs, I, pl. 168 ; Strong, op. l., p. 226, pl. XXX.
  16. Clemens Alex. Strom. V, 14 § 103 ; cf. Orph. Hymn. XII, 12 ; Servius, ad Aen. VI, 395 ; Lydus, De mensib. IV, 67 (p. 121, 19 Wünsch).
  17. Clemens Alex. l. c. Cf. supra, p. 1057, n. 4.
  18. Hegemonius, Acta Archelai, 8 (p. 12, Beeson).