Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - V 2.djvu/360

Cette page n’a pas encore été corrigée

VOT

977 —

VOT

Pour Rome, nous sommes renseignés avec plus de pré- cision. Qu’il s’agisse de vœux exceptionnels ou de vœux périodiques, nous pouvons suivre l’évoluliQn du rite depuis le moment où le vœu est prononcé jusqu’au moment où. il est accompli. Outre les exemples que nous avons cités plus baut, en voici d’autres noii moins si- gnificatifs. En 343 av. J.-C, le dictateur Camille, au milieu d’une bataille, voua un temple à Jtino Moneta. Vainqueur, par conséquent damnatus voti, suivant l’expression de Tite-Live, il rentre à Rome et abdique la dictature. C’est alors au Sénat qu’il incombe de prendre les résolutions nécessaires pour que Rome s’ac- quitte du vœu contracté en son nom ; le Sénat ordonne que deux duumvirs seront désignés pour faire construire un temple digue de la grandeur du peuple romain. L’em- placement du temple fut choisi sur le Capitole, à l’endroit même où s’était élevée la demeure de M. Manlius Capi- tolinus ’ . Pendant un combat contre les Samnites, le con- sul C. Junius Bubulcus voua un temple à Salus ; ce fut lui qui, devenu censeur en 306, procéda à la locatio operis ; et ce fut lui encore qui, dictateur en 302, pré- sida à la dédicace du temple-. Si C. Junius Bubulcus put suivre de bout en bout l’accomplissement du vœu qu’il avait contracté, dans d’autres cas chacun des actes successifs fut accompli par des personnages dilîérenls. Ainsi en 219. pendant une sédition militaire, L. Man- lius, préleur en Gaule, avait voué un temple à la Con- corde : en 217, on s’aperçut à Rome qu’aucune mesure n’avait été encore prise pour l’accomplissement de ce vœu ; le préteur urbain, M. Aemilius, chargea spécia- lement deux duumvirs, Cn. Pupius et Caeso Quinctius Flamininus, de procéder à la locatio operis, et l’année suivante, en 216, deux nouveaux duumvirs, M. et C. .tilius, dédièrent le temple construit sur le Capi- tole ’. Beaucoup d’exemples analogues sont cités dans l’opuscule d’.ust sur les temples qui furent élevés à Rome depuis les origines de la cité jusqu’à la fin de l’époque républicaine*.

Les circonstances dans lesquelles les Iwli Apolli- nares furent créés, puis devinrent annuels, ne sont pas moins significatives. En 212 av. J.-C, Annibal était devant Tarente. A Rome circulait un carmen d’origine mystérieuse, le carmen Marcianum, qui conseillait aux Romains, s’ils voulaient se débarrasser de l’ennemi, de vouer à Apollon des jeux annuels, aux frais des- quels contribueraient en même temps l’État et les parti- culiers, et dont la direction serait confiée au préteur urbain du rang le plus élevé. Les Livres Sibyllins ayant été consultés au sujet de ce carmen, le Sé- nat décida que des jeux seraient voués à Apollon, et que, toutes les fois qu’ils seraient célébrés, le préteur recevrait douze mille livres d’airain et deux animaux destinés au sacrifice. Le préteur, quand le moment fut venu de donner les jeux, édicta que le peuple devait y contribuer, chaque citoyen versant une somme proportionnée à ses ressources’. Les jeux furent ainsi célébrés en 211 ; en 210, sur la proposi- tion du préteurCalpurni us , le Sénat vota queles ludi Apol- linares seraient voués in perpetuuin^. Enfin, en 208, ils furent définitivement organisés ; jusqu’alors les préleurs

1 LiT. Vil, ii ; cf. Ovid. Fast. VI, 183. — 2 Ut. IX, 43 cl X, 1.— 3 Lir. XXII, 33 et X-XIII, îl . — ’A. Aust, De aedibiu sacrit populi Bornant inde a primis libéras reipubhcae temporibus utque ad Augusti imperatoris aetatem Romaç conditia,

IX.

urbains ne les avaient voués que pour l’année suivante et sans fixer d’avance le jour où ils seraient célébrés. En 208, une grave épidémie ravagea la ville et les envi- rons ; P. Licinius Varus, préteur urbain, fut chargé de proposer au vole du peuple une loi d’après laquelle les ludi Apollinares seraient voués à perpétuité et célé- brés à jour fixe, ict hi ludi in perpeluuin in statam diem voverentur. La loi fut votée. P. Licinius Varus célébra les jeux le troisième jour avant les nones de Quinlilis (juillet), et ce jour demeura celui des ludi Apollinares On voit combien de pouvoirs publics contribuèrent à cette organisation définitive des ludi Apollinares : les decemviri sacris faciundis pour la consultation des Livres Sibyllins, le Sénat, les préteurs urbains, l’assemblée du peuple. En réalité, c’était la cité elle-même qui contractait de tels vœux, et c’était elle qui devait s’en acquitter. La complexité des magistratures et la division des compétences avaient pour résultat que plusieurs magistrats, collèges et corps constitués colla- boraient à la pratique totale du rite. Il s’ensuivait que parfois un assez long délai séparait le moment où le vœu était contracté de celui où il était accompli. En 222, pendant la guerre contre les Gaulois de la Cisalpine, le père de M. Marcellus avait voué un temple à la Vir- tus ; ce temple ne fut dédié par son fils, le vainqueur de Syracuse, que dix-sept ans plus tard, en 205*. Des délais de quatre, six, dix ans sont encore mentionnés ailleurs ^ Auguste laissa passer quarante ans entre la bataille de Philippes et la dédicace du temple de Mars Ultor, qu’il avait voué pendant la lutte’".

Quant aux vœux périodiques, on sait que, sous la République, les vœux annuels étaient contraclés et accomplis par les consuls, le jour de leur entrée en fonctions : ils s’acquittaient des vœux contractés un an plus tôt par leurs prédécesseurs, et ils en contractaient de nouveaux, dont leurs successeurs devaient s’acquitter à leur tour et dans les mêmes conditions. Sous l’Empire, les vœux prononcés chaque année, le troisième jour avant les nones de janvier (3 janvier), pour le salut de l’empereur, étaient contractés par les consuls, les pon- tifes et tous les collèges de prêtres" ; les Actes des Arvales nous montrent la part que ce collège y prenait. Les Deçennalia suivaient sans doute la même règle.

Ainsi, quand il s’agissait de vœux publics, contractés au nom de l’État et en faveur de l’État, les magisLrats qui prononçaient la formule du vœu, ou qui parfois même en prenaient l’initiative dans des circonstances critiques, engageaient non point leur personne, mais la cité dont ils étaient les représentants. Si les vœux ainsi formulés n’étaient pas accomplis, c’était Rome qui devait en soufïrir. Tite-Live nous fournit à ce sujet un détail curieux. En 294, pendant la dernière guerre sam- nite, Fabius voua un temple à Jupiter Stator : Roinulus en avait déjà voué un ; mais on n’avait alors consacré au dieu qu’un fanum, c’est-à-dire un locus templo effa- tus. Le Sénat ordonna que le temple voué par Fabius fût construit, bis ejusdem voli damnata republica ’^ ; on considérait donc .que le double vœu contracté liait, non pas Romulus ni Fabius, mais Rome elle-même. A l’inverse, lorsqu’un magistrat négligeait, comme

p. 4-33.- 5 L.v. XXV, li. - 6 Id. XXVI, a. - Tl.iv. XXVII, 23. - 8 Id. XXIX, 11. — 5 Liv. XXXIV, 53. — <" 11. Thédenal, Le Forum romain, 5» éd. p. 181 sq. - 11 Tacit. Annal. IV, 17 -, XII, 68 ; XVI, i2 ; Dio Cass. LIX, 3. - 12 Liv. X, 37,

123