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l’otTrir au fleuve Sperchios. Puis, soupirant et les yeux fixés sur les sombres flots, il dit : « Sperchios, c’est un autre vœu que mon père Pelée avait fait, lorsqu’il te promit qu’à mon retour dans ma clière patrie je coupe- rais ma chevelure pour le l’ofi’rir, que je le sacrifierais une hécatombe et que je consacrerais cinquante béliers près de tes sources, là même où se trouvent ton sanc- tuaire et ton autel arrosé de parfums. Tel fut le vœu que le fit mon père ; mais loi, tu ne l’as pas exaucé. Et puisque je ne dois pas revoir ma patrie bien-aimée, c’est à Patrocle, devenu un héros, que j’ofi’re ma chevelure. » Ayant ainsi parlé, il coupa ses cheveux et les plaça dans les mains de son ami défunt ’. >>

Dans les poèmes homériques, le caractère réciproque du vœu est donc incontestable. L’iiomme n’est lié par sa promesse que si la divinité lui accorde ce qu’il désire.

Il en était de même au v^ et au iv" siècle avant J.-C. Le vœu qu’Eschyle fait prononcer par Étéocle, dans les Sept contre Thèbes, est un véritable pacte : « Vous tous, dieux du pays, dieux de la cité et de l’agora, divinités des champs, et vous, sources de Dirkè, et toi, saint Isménos, si tout nous est favorable, si la ville est sauvée, je vous le promets, le sang des brebis coulera sur vos autels ; j’immolerai des taureaux ; je suspen- drai comme trophées dans vos saintes demeures les armes conquises sur les ennemis et le butin fait avec nos lances^. » Une inscription archaïque trouvée près de Thespies révèle, par sa rédaction même, que les simples particuliers entendaient le vœu e.xactement de la même façon : . Dionysos, qui a exaucé sa prière, Néomèdès a consacré ce monument en récom- pense de ses bienfaits » (sù/iv éxxTsÀéoavTi Airyvûgw NeojA’/jÔTii ; épY(ov ïvt’ àYxOôiv [/.vSjjl ’àvÉ9’/)xe -xôoi) ’.

Parmi les documents épigraphiques qui mettent en lumière le véritable sens des vœux chez les Grecs, les plus significatifs peut-être sont plusieurs textes de décrets du peuple athénien de 362-361 av. J.-C. Ces textes nous apprennent qu’au cours même des délibéra- tions précédant le vote de ces décrets, des vœux solen- nels étaient prononcés par le héraut public. Voici l’un de ces vœux, fait au moment où le peuple allait décider la conclusion d’une alliance avec les Arcadiens, les Achéens, les Éléens et les Phliasiens : » Le héraut fera immédiatement le vœu à Zeus Olympien, à Alhèna Polias, à Démêler, à Korè, aux douze dieux et aux déesses vénérables, d’offrir à ces divinités, si la résolu- lion prise au sujet de l’alliance tourne à l’avantage du peuple athénien, un sacrifice et une procession, cérémo- nies qui s’accompliront en la manière que le peuple décidera’. » A propos de ce vœu, M. P. Foucart fait les Judicieuses remarques suivantes : « Au commencement de chaque assemblée, le héraut, suivant la loi et les tra- ditions, adressait aux dieux des vœux au nom du peuple. C’était le plus souvent une formalité un peu banale et le verbe ej/oaai, par lequel on l’exprimait, avait pris le sens vague d’invocation, de prière. Ici, au contraire, il a le sens très précis de vœu : c’est l’engage- ment pris avec certains dieux désignés, s’ils accordent la faveur qu’on leur demande, de leur donner en

« Hiud.WW, IH s(). — 2 Aeschyl. Sept, contra ’Jlidi. i71 sq. — 3 J„scr. Graec. leptentr. VII, I (Mcgar. el Bocol.), 17 !»* ; cf. Jnscr. graec. XM {/mut.), fasc. i (Asl)palécj, 19i. — * l’oiicarl, Traité d’ailiance de l’année SOi {Uci’ue ar-

échange telle ou telle chose. Dans le cas présent, ce que le peuple demande à Zeus Olympien, à Athôna Po- lias, etc., c’est que l’alliance tourne à l’avantage des Athéniens. Ce qu’il promet en cas de succès, el il s’y engage par la voix du héraut, c’est d’ofl’rir à ces mêmes divinités un sacrifice et d’envoyer à leurs temples une procession. » M. P. Foucart remarque en outre que le règlement détaillé des cérémonies promises est ajourné au moment où le peuple devra s’acquitter de son vœu, c’est-à-dire après qu’il aura constaté si l’alliance a réel- lement tourné à son avantage. Dans le texte du décret de 30-i, ce n’est qu’une promesse de principe. Un vœu de nature exactement semblable est inséré dans le texte d’un décret de la même année, qui ordonne l’envoi de clérouques à Potidée, et on reconnail les débris d’un autre vœu identique dans un décret de l’année 387 ’".

Une formule analogue se retrouve dans le traité d’al- liance conclu entre Rhodes et Hiérapytna vers la fin du lu^ siècle av. J.-C. Ici le vœu doit être prononcé par les prêtres elles sacrificateurs ; il s’adresse à Hèlios, à la déesse Rhodos, à tous les êtres divins, dieux, déesses, archégètes, héros, qui protègent la ville et le territoire des Rhodiens ; on leur demande de faire tourner au pro- fil des deux cités la conclusion de l’alliance, el on leur promet, si le vœu est exaucé, de leur ofl’rir un sacrifice el une procession. A Rhodes, comme à Athènes, le détail des cérémonies promises ne doit être fixé que plus tard par le peuple^.

Pour clore la série chronologique de ces exemples, nous signalerons une inscription delà Mésie Inférieure, datée de 19 !) ap. J.-C, d’après laquelle un Grec de la petite ville de Burnusus consacre à la divinité un temple et un autel, après avoir obtenu d’elle la faveur qu’il lui avait demandé, I-itu/wv tz-^ox to3 Ssoû wv

E’JÎOITO ’.

Il ne peut subsister aucun doute sur le véritable caractère du rite. D’abord le dieu doit accorder à l’homme la faveur sollicitée ; alors seulement, en récom- pense de celle faveur, l’homme consacre au dieu l’ex- voto promis.

Mais il pouvait arriver que les hommes fissent à la divinité des promesses inconsidérées. Lorsque le moment était venu de les tenir, l’esprit subtil des Grecs savait trouver avec le ciel des accom- modements. Pausanias nous rapporte comment s’y prirent les Ornéates de l’.Vrgolide pour ne point man- quer à leur parole, sans s’imposer des dépenses el des fatigues excessives. Leur territoire ayant été envahi par les Sicyoniens, les Ornéates avaient promis à Apol- lon, si le dieu chassait l’armée ennemie du territoire de leur cité, d’envoyer chaque jour une procession à Delphes et de lui sacrifier des victimes en nombre con- sidérable. Lorsque les Sicyoniens eurent été vaincus, les Ornéates se rendirent compte de l’imprudence qu’ils avaient commise : car c’eiU été pour eux une dépense très lourde, el une fatigue plus lourde encore, de tenir chaque jour la promesse qu’ils avaient faite. Ils tour- nèrent la difficulté en consacrant au dieu des bas- reliefs de bronze qui représentaient le sacrifice et la

chéologiqm, IbOS, II, {). 313 il suiv.). — ^ P. Foucarl, loc. cit. p. SIC si], — 6 cil. Michel, Jiceueil d’inscriptions i/rccijucs, il. — ^ Jnscr. ijraec. ad r. Jlom. patin. 1 1498