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ferme. De même en Germanie un autel ou une cha- pelle précédait souvent l’entrée. A Hagenschiess près de Pforzheim un sacellum entouré d’un mur se trouvait à une cinquantaine de mètres au sud de l’entrée ’. .^ .ltstadt près de Messkirch, un petit temple, consacré à Diane, comme nous l’apprend une inscription, s’éle- vait immédiatement à gauche de la porte, en dehors de l’enceinte -. C’est aux abords des fermes que se dressaient le plus souvent, semble-t-il, ces colonnes surmontées d’un groupe représentant une divinité équestre portée sur un géant anguipède ; l’une d’elles a été retrouvée récemment, à Saverne, dans la cour d’une ferme’. Dans le Limes une inscription nous apprend qu’un propriétaire a érigé, sur son fonds, un monument de ce genre*. Très discutée, la signification de ce groupe d’un dieu cavalier et d’un géant demeure encore incertaine. On a voulu y reconnaître une divinité germa- nique^ ; les exemples les plus nombreux proviennent en effet des deux rives du Rhin, mais il s’en rencontre aussi dans diverses régions de la Gaule. Il semble donc plus juste de considérer le dieu cavalier comme un dieu celtique, transformé en Jupiter, supporté par quelque démon chthonien. C’est également d’habi- tations rurales que semblent provenir la plupart des autels sculptés consacrés à trois ou quatre dieux, si fréquents en Germanie et en Gaule ’^. Ils témoignent du culte dont Jupiter, Junon, Minerve, Diane, Apollon, Vulcain, Hercule, étaient l’objet dans les campagnes les plus lointaines de l’empire.

Les fermes ont aussi, très souvent, leurs cimetières particuliers. De petits groupes de tombes, à proximité de leurs ruines, ne peuvent provenir, en effet, que des cultivateurs qui les habitaient ’.

Distribution et groupement des fermes. — L’abon- dance des traces relevées dans toutes les régions où les fermes ont fait l’objet de recherches méthodiques montre l’extrême diffusion de l’exploitation rurale à l’é- poque romaine. Sur la rive gauche du Rhin, au moins en certaines régions du Limes, les restes de bâtiments agricoles sont presque régulièrement espacés de deux en deux kilomètres. Ils paraissent avoir été le centre de domaines délimités et assignés par l’administration romaine *. Moins régulièrement distribués en Gaule, ils n’y sont pas moins fréquents : dans les environs de Metz on signale, autour de Courcelles, 53 emplacements dans un espace d’environ 10 kilomètres carrés’. Une telle densité n’a rien d’exceptionnel ’" ; non loin de Rouen, sur le seul plateau de Boos, M. de Vesly a relevé les traces d’au moins une douzaine de fermes" ; les ruines ne sont pas moins nombreuses dans la forêt de Rouvray ’-. Très souvent isolées dans les campagnes et même dans les clairières des forêts, les fermes se ren- contrent particulièrement nombreuses, dans la Germanie romaine, aux abords des camps et des forteresses ; en (jaule, dans les environs des villes et des bourgades. .dministrativement elles devaient, la plupart du temps,

I /6k/. p. 83. — 2 JOid. 74, ISSi, p. ôt ; Corp. User. lai. 111, Suppl. o. 11893. — ’ Kropalscheck, VI Bericht rOm. germ. Kom. 1 !I10-11, p. 67. — t Corp. iuscr. lut. XIII, D. 7609. — 5 Herllein, Die Juppilergiganleiisaûlen, StuUgarl, IOI1I. — 6 Ibid. p. U s>(. — ’• Wolf, Bericht rûm. germ. Kom. l’.WV, p. ii ; Kropalschect, ibid. 1910-11, p. 74. — » DragendorlT, WesldeuUch- land :. Jiômer :eit, p. 41, 4i ; Bericht rôm. germ. Kom. 1905, p. 7i si). ; 1910-n, p. 61. — ’ .Annuaire toc. hitl. et areh. lorr. (Uetz), 1906, p. 4H, pi. II. — "> A. Grenier Habitations gauloises et cilla» latines, p. IIJ,

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être rattachées à ces agglomérations ; mais parfois aussi il semble que les fermes d’un même canton aient pu à elles seules, indépendamment de tout village, consti- tuer un ricus ; un lien social les unissait d’onc entre elles. C’est ainsi qu’une pierre milliaire du Donon, dans les Vosges, compte la distance à partir d’un vieux Sararus^^, qui paraît pouvoir être identifié avec un groupe de villae trouvé dans les environs de la petite cité moderne de Lorquin’*. Dans le pays Trévire, une dizaine de fermes, disséminées dans un rayon de près de deux kilomètres, formaient sur le Marberg, hauteur qui domine la vallée de la Moselle, entre Carden elPom- mern, un ricus du même genre ’ Plus caractéristique encore est l’exemple du ricus Ambitarrius, où serait né Caligula : il paraît avoir été composé d’une quarantaine de (’«//«eéparses dans la forêt qui, de Coblence à Boppard, couronne les hauteurs entre la Moselle et le Rhin’ De même que chaque ferme possède son autel, ces groupes de fermes ont chacun un ou plusieurs temples. Situées au centre du domaine qu’elles exploitaient, les fermes ne se trouvent pas généralement au bord des grandes voies romaines ; les bâtiments qui se ren- contrent parfois le long des routes doivent être consi- dérés plutôt comme des relais ou des auberges. Les fermes préféraient sans doute se tenir à quelque di- stance des lieux de passage. Le voisinage d’une bonne route n’en était pas moins pour elles, comme le faisait déjà remarquer Caton, une situation avantageuse* ; leurs ruines jalonnent en effet, sinon les abords immé- diats des grands chemins d’époque romaine, du moins, de loin, leur directipn ’*. On les trouve le plus souvent dans des vallons transversaux, campées à mi-hauteur des coteaux, soigneusement abritées par un pli du ter- rain ; entre bois et ruisseau, la ferme domine et sur- veille les champs qu’elle cultive. Dans l’antiquité, l’exploitation agricole de la terre était une source de richesse encore plus importante que de nos jours. Ce furent ces villae rusticae qui, en Italie, constituèrent durant de longs siècles la fortune de l’aristocratie romaine. Plus tard, au dernier siècle de la République et sous l’Empire, elles continuèrent à faire la force de cette noblesse provinciale qui vint, à Rome, prendre la place des grandes familles disparues. Leur dévelop- pement dans les provinces soumises et pacifiées par Rome fournit au monde romain, durant plus de trois cents ans, les ressources économiques qui soutinrent son existence. Construites et aménagées sur le modèle latin, les villae rusticae marquent vraiment l’empreinte de Rome sur les campagnes des provinces conquises. Elles n’étaient pas seulement, comme les fermes d’aujourd’hui, des établissements d’exploitation agri- cole ; elles représentent de véritables centres de civili- sation. Jusquesur les terres les plus reculées de l’empire elles faisaient pénétrer le mode de vie, les procédés de travail, les traditions sociales et religieuses du monde méditerranéen. .lbert Grenier. [Georges Lafave.]

113. — " Ballet, arch. du Comité, 1010, p. 279 sq. — 12 Bullet. soc. démnl. de la Seine-inférieure, 1903, p. 111 sq. — ’3 Corp. inscr. lat. XIU, n. 4549. — 1* A. Urenicr, Habitations gauloises et villas latines, p. 109 sq. — là Donner Jahrbiicher, t. 101, p. 63 sq. — 16 Bodewig, Westd. Zeitsehrift, 1900, p. 1 sq. — " Cal. Oe re rusiica, I, 1 : oppidum validum prope siel... aiit amnis qua nares ambulant, mit via bona celebrisque. — <« Kropalsclicck, 1/ Bericht rôm. germ. Kom. 1910-11, p. 64, 70.

III