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tout, offrir une villégiature agréable à de grands pro- priétaires, mais on entendant bien que la réalité les a souvent unis et que, surtout, le développement brillant des villas de luxe n’a jamais pu étouffer complètement la vie modeste des petites fermes.

I. Villa ristuu, la ferme. — La construction de fermes isolées au milieu de la campagne ne saurait être considérée comme un usage particulier à une race ou à un peuple ; elle résulte bien plutôt d’un état économique et social que les diverses populations du monde antique ont atteint à des époques différentes. Des habitudes essentiellement sédentaires et la prédominance de l’agriculture sur l’élevage nomade sont, en effet, les con- ditions de celte forme d’habitat. Il convient particuliè- rement à une société patriarcale, au sein de laquelle chaque groupe familial s’ingénie à produire tout ce qui est nécessaire à sa subsistance. La moyenne propriété favorise la multiplication de ces petits centres de cul- ture indépendants ; une ferme eu ell’et ne saurait suf- fire à un trop vaste domaine, tandis qu’une terre très divisée s’accommode mieux de l’existence d’un village. Les fermes exigent, en outre, une société assez policée pour assurer aux familles résidant sur leurs terres la sécurité dans l’isolement. Un tel état semble être celui de la Grèce à l’époque homérique, du monde romain dès le iV siècle avant notre ère et de la plupart des pro- vinces du monde barbare au moment où la conquête romaine les fait entrer dans l’histoire.

CiRÈcE. — Si haut que nous permettent de remonter les documents concernant la Grèce, nous trouvons mention- née l’existence de véritables fermes. Le vieux père d’Ulysse, Laërle, s’est retiré, aux environs de la ville d’Ithaque, dans une demeure de ce genre. « Il l’avait aciietée lui-même >>, raconte Homère, « mais l’avait bien améliorée par son travail. C’est là qu’il avait sa demeure (olxo ;) et tout autour courait l’abri (xÀiaiov), dans lequel mangeaient, s’asseyaient et dormaient les serviteurs esclaves ; là aussi ils accomplissaient leur travail ’ ». Nous pouvons entendre que la ferme se composait essentiellement d’une cour, qu’entouraient la salle de réception (olzoç), les cases des serviteurs et les hangars. Ulysse, ayant retrouvé son père, le ramène vers la belle partie de la maison (.irpo ; ScûfiaTï xaXà) ; ils arrivent aux appartements agréables à habi- ter (ixovTo Sôfiou ; e-JvauTiovTaç) ; là se trouvait le bain où une vieille femme sicule fait la toilette du vieillard^. De la ferme, située au sommet d’un coteau, un grand jardin peuplé d’arbres fruitiers descendait vers la plaine ; c’est là que travaillait Laérte, tandis que, plus loin, dans les champs, les serviteurs recueillaient des épines pour parfaire la haie de l’enclos. Outre Laërte et sa servante, le personnel ne comptait, semble-t-il, que le vieux Dolios el ses six fils, que des liens d’affectueux dévouement attachaient à Ulysse. Dans l’ile d’Ithaque, el même sur le continent, Ulysse possédait d’autres domaines, exploites sous la direction d’un serviteur par- ticulièrement fidèle comme Eumée. La fortune de la plupart des chefs et des nobles de l’ancienne Grèce ; consistait, sans doute, en domaines ruraux semblables à

I Odijss. XXIII, 359 ; XXIV, 205 sq. - 2 Ibid. XXIV, 361 sq. — 3 p. Guiraud. La propriété foncière en Grèce, p. 389 si|. — ’ P. Guiraud, ibid. p. 446 S(|. ; Éludes économiques 8ur tantiquité, p. 43 sq. Sur la vie rurale dans l’ancienne Grèce, cf. Thucyd. I, 5, 10 ; II, 94 ; les fermes de Corcyrc, Xenoph. Bellen. VI, 2, 6 ; la

ceux d’Ulysse et de Laërte, qui, vraisemblablement, ont servi de modèle aux descriptions de VOdyssee. Dans les pays démocratiques, comme l’Atlique, le développement de la petite propriété eut probablement pour effet de grouper les paysans en communautés villa- geoises et de diminuer le nombre dos fermes isolées. En 403 avant notre ère, en elTet, 15000 citoyens sur 20000 étaient propriétaires ruraux ; beaucoup d’entre eux habi- taient Athènes ; ils partaient dès le matin pour leur campagne et rentraient en ville le soir, harassés de fatigue ^ Mais dans les autres régions que l’Altique, en Béolie, en Argolide, en Laconie, dominait sinon la grande, du moins la moyenne propriété et l’aristocratie, ne cultivant pas elle-même, installait des tenanciers sur ses terres ^

De même que la fortune des nobles, celle des temples consistait, la plupart du temps, en propriétés rurales. Les comptes des sanctuaires fournissent parfois des inventaires assez précis do ces domaines ; à Délos, notamment, les documents de Tlntendance sacrée, rela- tant les locations des immeubles ruraux, propriétés du dieu, répètent à de nombreux exemplaires de véritables étals de lieux. Il est regrettable que l’on n’ait encore mis la main sur aucune de ces fermes suburbaines, de façon à pouvoir comparer la réalité ou, du moins, ce qui en reste, au tableau que permettent d’imaginer les inscriptions. Ces domaines sont désignés par leur nom générique de téjjlevoç, qui marque leur caractère sacré [tkménos], et non par celui de yl ou de /ojptov, qui indique les propriétés rurales ordinaires. Cependant les comptes les plus anciens, ceux des Amphictyons de 43’i, emploient trois expressions qui donnent de ces propriétés une idée plus complète : « la terre, propriété sacrée, sise à Délos, avec ses jardins et ses bâtiments ». Chacun de ces domaines a son nom particulier : c’est tantôt un adjectif patronymique, dérivé du nom de l’ancien propriétaire, tantôt une expression géogra- phique, indiquant le lieu où la terre est située, et com- posée d’un nom de localité précédé de èv ou de Ittî, tantôt un terme qui fait connaître la nature du terrain ou les productions du sol °. L’un de ces états de lieux, figurant aux comptes des hiéropes de l’année 250, décrit ainsi l’un des plus simples parmi ces « téménos » déliens : « un logement pour les esclaves (xXetaiov) avec sa porte, un Ihalamos sans porte, une étable à bœufs (poiiaxadiç) et une élable à moutons (-rtfo^aToîv) sans porte, un four (iirvwv) sans porte, une porte de cour...’ ». Une autre ferme plus grande, mentionnée un peu plus loin par la même inscription, comprend : <■ une porte de cour, un logement pour les esclaves avec sa porte, commu- niquant avec un Ihalamos muni d’une porte, un esca- lier en bois de palmier, un premier étage muni d’une porte, un moulin ([auXcôv) avec sa porte, un appartement pour les hommes (àvopojvtov) avec sa porte, une porte donnant sur le jardin, un four sans porte, dans lo jardin : un appartement pour les hommes, sans porte, quatre figuiers, un grenadier, etc.. ». Un troisième inven- taire d’un domaine sis à Rhénée énumère : « une porte de cour, un logement pour les esclaves avec porte,

ferme de Pliilopocmen aux environs de Jlfgalopolis, Plularch. Philop. 4, 3 sq. La dtscriptiOD du domaine dAugias, Theocrit. XXV, peut donner une iMe des grandes eiploilalions agricoles de Sicile. — " Homolle, BuH . coït, l’ell. IS’JO iXlV), p. 422. — û /nscr. gr. XI, i, n. isT, face A, 1. I U.