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des imperatores romains dans leurs temples de Nikè. Si les jeux sont une tradition très ancienne du culte romain, c’est à l’instar des Nikaia et des nikèpuoria que se fondent à Home les Ludl Victoriae [lidi publici, p. 13781. Sylla institue les premiers pour commémorer sa victoire de la Porte Colline (1"’ novembre 672 = 82). Inaugurés dès l’année suivante par le préteur Sextius .onius, neveu du dictateur, et célébrés encore avec éclat sous Auguste, les Ludi Victoriae Sullanae (fig. 4440) duraient sept jours, du 26 octobre au !"■ novembre ; ils n’existaient plus au iv" siècle, et sans doute depuis longtemps’. En 708 = 46, César crée de nouveaux Jeux de la Victoire, Ludi Victoriae Caesaris". 11 les avait promis à Venus Genetrix avant la bataille de Pharsale. Confiés d’abord aux soins d’un collège gentilice, pris ensuite à charge par l’État et célébrés par les consuls eux-mêmes, ces Jeux duraient onze jours, du 20 au 30 juillet ; ils ne survécurent guère, ce semble, à la dynastie julio-claudienne. Les dénominations de Vic- toria Sul/ana, Victoria Caesaris, n’étaient pas seule- ment destinées à établir des distinctions nécessaires ; elles correspondent à une idée religieuse que les Ro- mains empruntèrent également aux traditions des royau- mes hellénistiques^. A la personnalité de Vimperalor, comme à celle du roi désormais allié ou ennemi de Home, reste attachée une Victoire qui lui est propre et qui représente sa puissance victorieuse. Il y a donc les Victoires personnelles de Sylla, de Marins, de Pompée, de César, de Cassius, d’Octave *, comme il y avait celles d’un Antiochus, d’un Mithridate ou du roi des Parthes°. Elles manifestent la présence de leur divinité par l’heureux succès des batailles et au besoin par des prodiges, dont la fréquence même atteste l’im- portance nouvelle que prend le culte de Victoria °. Cha- cune d’elles est plus spécialement symbolisée par une petite Victoire en or ( Victoriola aurea) ’, qui accom- pagne le général aux armées et qu’il fait porter auprès de lui par un soldat dans toutes les pompes et cérémo- nies *. Cette Victoire fétiche reproduit le type des figurines d’or qui sont posées sur la main des divinités nicéphores. « Si les dieux nous tendent ainsi la Vic- toire, c'est pour nous l'offrir >>, disait plaisamment Denys de Syracuse, et il s’emparait des statuettes’. A

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vrai dire, chaque fois qu’il s’appropriait la Victoire tenue par un dieu, il croyait augmenter sa force de vaincre. Quant aux rois d’Asie, qui s’intitulent Dieux Nicéphores Épiphanes, Nikè est un de leurs attributs divins. Les généraux delà République, même lorsqu’ils acceptent des temples en Asie, ne peuvent être considé- rés que comme des favoris des dieux. Sylla prétend être sous la protection spéciale de Jupiter, de Ma Belloneet de Vénus, divinités qui détiennent et donnent la victoire. César identifie sa propre Victoire à celle de Vénus, divine ancêtre de la gens Julia ; sur ses monnaies, la Victoire reste entre les mains de Vernis Victrix’" [venus, p. 735]. Maisdéjà les monnaiesd’Auguste montrent le prince, assis sur la chaise curule, avec le geste et l’attribut d’un dieu nicèphore (fig. 398o)*’. lin relief sans doute célèbre, que reproduit un vase d’argent du trésor de Boscoreale, sert de transition : .uguste y reçoit des mains de Vénus, ac- compagnée de la déesse Rome et du Génie du Peuple Ro- main, l’hommage d’une statuette de la Victoire’-.

Ainsi s’étaient préparées, sous la République, les brillantes destinées d’un culte qui devait être particu- lièrement cher k l’Empire. Malgré la part importante de l’inlluence hellénistique dans l’évolution de ce culte, les conditions mêmes dans lesquelles il se développe lui conservent un caractère éminemment romain. Ce qui avait fait l’originalité de la Mikè grecque, c’était d’être, comme nous l’avons dit, divinité guerrière et divinité pa- cifique. En (irèce, les prix remportés aux grands jeux, dans les courses, dans les luttes, dans les concours, n’étaient pas moins glorieux que les récompenses attri- buées à la valeur militaire. A Rome, où les citoyens ne sont que spectateurs et où prédominent de plus en plus les jeux du cirque, les fonctions agonistiques de la déesse ont perdu leur principal intérêt. Elles auraient perdu toute signification nationale, si elles ne relevaient indirectement de ses attributions guerrières . Victoria participait à la. pompa circensis ; elle y occupait même le premier rang, du moins au temps d’Auguste’* ; mais la pompa ciî-censis (fig. 1524 à 1528) renouvelle la pompe du triomphe, qui primitivement coïncidait avec le début des jeux votifs. Victoria préside aux jeux (fig. 1518), et son image, dressée sur de hautes colonnes (fig. 1520, 1521), orne la spina des cirques ’^ ; mais la plupart des

1 Cic. Verr. i, 10, 31 (dils simplement « l.udi Victoriae ..) ; Vcll. Patcrc. Il, Ï7, 6 ; Ps. Ascon. p. 143 (79) ; C. inscr. lai. I, 2», p. 333 (Fasli Maffeiani, époque d’Auguste) ; IX, 4769 : « Lud{i) Victor(iae) Sull(anae) » ; BabeloD, op. cit. n, p. 256, denier du monétaire Sufenas ; au revers : « Sex(lus) Noni(us) pr(aetor) L(udos) V(ictoriae| p^rimus) r(ccit) ><, Victoire debout, couronnant la déesse Roma assise ;cr. Baudrillart, op. cil. p. 73 ; Martjuardt, op. cit. II, p. 272 et 379 ; Wissowa, op. cit. p. 12Set 388. — 2 Cic. Ad fam. XI, 28, 16 (lettre de L. Jlaltius) ; Dio Cass. XLIII, 22 ; XLV, 6 ; XLIX, 42 ; Plio. Nat. Iiisl. Il, 93 : « Ludi Veneris Genetricis » ; XI, 23 ; Suclon.tnes.8S ;/luj. 10 ; Jul. Obsequens, 68 |1I8) : .. Ludi Veneris Gene- tricis ». Certains Kastesplacentces jeux en septembre ; mais cette confusionprovient du changement introduit par César dans le calendrier ; cf. Mommsen dans C. inscr. lai. I, p. 397 et I, 2’, p. 322 ; Baudrilbirt, op. cit. p. li-’O ; Marquardt, op. cil. I, p. 162 (sur le collège gentilice) ; II, p. 272 et 371 ; Wissowa, op. cit. p. 238 et 388. — 3 Sur cette conception hellénistique de la Nikè personnelle des rois, cl. Domaszewski dans Westrl. Zeitschrifl, XIV, 1895, p. 119 ; Gruppe, op. cit. p. 1090.

— * A la Victoria Sutlana, Victoria Cat :8aris, ajouter la statue do la Victoire de Marius, qui, pendant la guerre de Modéne, en 42 av. J.-C, se tourne d’elle-même vers le nord : Jul. Obsequens, 130 ; la Victoire de (Cassius, qui tombe à terre peu de jours avant la bataille de i’Iiilippes : Plut, /irntiis^ 44 ; cf. Dio Cass. XLVII, 40 ; Appiau. Bell. cir. IV, p. oilS ; Obsequeus, 2 ; la Victoire d’Octave nicèphore ; Babelon, op. cit. II, p. 65, u" 1.^5. — ^ Cf. par exemple Antiochus IV qualifie de .Nikëphoros : llead, Uist. tiiim. 2" éd. p. 762 ; rois nicèplioroB chez les Parthes, ihid. p. 819 et fig. 359 ; pour Mithridate, cf. Plut. .Sylla, iS. — CCf. p. 837,n. 10, et les exemples réunis par Baudrillart, o/j. cit. p. 72.

— 7 Sur celte expression, voir note 9. — * Plut. Brutua, 4i. — 9 i’.ic. De nat. deor. III. 34 : « idem virlorin’m giirras, ipiae. simniacrurum porrectis mauibus

sustincbantur, sine dubitatione tollebat eatjue se acciperc, nou auferrc dicehat ».

— 10 Babelon, op. cit. Il, p. 20-22, 24-28 ; cf. une monnaie d’Octave, p. 43, nos6. — " Jbid. p. 65, W 155. —12 De Villefosse dans Monuments Piot, V, 1899, pi. Xïïii, 2, cf. p. 135 ; S. Reinach, ftépert. reliefs, I, p. 93 et 97 ; Vénus y prend les traits de Livie. — l-* Sur ce caractère de la Victoire voir Baudrillart, p. 58, 76-79. — liOvid. Amor. III, 2, 45 : « Prima loco fertur p.issis Victoria peunis ». Un relief de sarcophage, à Rome, représente la Victoire portée sur un /’ercufum par huit hommes, derrière la Mère des Dieux (scèuede la l’otnpa circensis) = notre fig. 1 528) ; Malz et Duhn, Ant. Bildw. in Itom, 2215 ; Annali, 1839, pi. s ,1 ; Gerhard, Ant. Bildw. pi. cx., 1 ; cf. Marquardt, op. cit. Il, p. 2S0-282. Les deniers du monétaire L. Hubrius Dossenus, vers 671 =83 av. J.-C, représentent les chars triomphaux (Ihensae) des trois grands dieux du Capilole, qui faisaient également partie de la Pompa circensis ; chacun de ces chars est surmonté d’une Victoire tendant une couronne ; Babelon, op. ci*. II, p. 406-407 ; cf. nos figures 1524-1526 et 6802.

— 1-i La figure 1518 = iJuseo Pio-Ctementino, V, pL xuu ; Amelung, SIculpl. d. Vatican. Muséums, II, 5, 21 b : S. Reinach, Bèperl. reliefs, III, p. 407, 2. La figure 1520, d’après la mosa’i((ue de Barcelone = Huebncr dans .innati 1863, pi. D. La figure 1521 d’après un bas-relief Mattci = ,lnna/i 1839, pi. n, 2. C’est sans doute aussi une Victoire que montre la figure 1534, d’après une lampe du Hrilish Muséum. Ajouter le relief de Foligno, dans Annali, 1870, pi. i., m ; Baumcister, III, p. 2093 ; S. Ueiuach, op. cit. III, p. 43, 4 ; deux reliefs de sarco- phages représentant des Kros au cirque, Musée du Vatican : J/useo Pio-Clem. V, pi. xixviuet XI. ; S. Reinach. op. cit. III. p. 368, 2 et p. 369,1’ ; cf. Ilelbig-Toutain, Guide, I, 1893, p. 247, n" 338-339 et Ilelhig-Amelung, I, p. 218. Le monument de Porphyrios, à Sainte-Irène, représente le vainqueur à la course des chars couronné pnrdiMix Victoires : Ber. archi’ol. 191 1. I, p. 78 sq. : S. Reinach, op. ci(. Il, p. 167.