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dans les marais. Mais il est certain qu’avant la domi- nation des Âchéménides, l’empire hittite, comprenant une notable paitie de l’Asie Mineure, a été pourvu de routes dont le centre parait avoir été Pteria, la capi- tale des Hittites. « De même, a dit Ramsay, que le système actuel des routes en Anatolie s’explique par la position de Constantinople, de même le plus ancien réseau, antérieur à l’histoire écrite, oblige d’admettre que la capitale de la péninsule était dans la Cappadoce du Nord’. » On a démontré que la grande route royale (6ob ; padi^ixvî) -, décrite en détail par Hérodote % avait été une route hittite de Sardes à Pteria, avant de deve- nir la grande voie de l’Asie occidentale au temps des Perses, reliant Sardes et Éphèse à Suse par les portes Ciliciennes, franchissant les hauts plateaux de l’Anti- taurus pour gagner les vallées du Tigre et de l’Eu- phrate *.
Cette roule est, en efïet, jalonnée de monuments rupeslres et funéraires (tumulus, etc.) que l’on a tout lieu d’attribuer aux Hittites. La tète de ligne était à Sardes, d’où partaient trois embranchements vers la côte : A). Roule descendant l’Hermus, côtoyant le Sipylo, passant à Mostène, Magnésie, Cymé, Phocée ; B) roule passant entre le Sipyle et le Tmole, par la vallée de Nymphi vers Smyrne ; C) route traversant le Tmole, descendant le Cayslre, passant par Tyra et aboutissant à Éphèse. — La route principale avait pour stations (nous necitons que les plus importantes) Méonie, Satala, Coloé, Bagis, Temenolhyrae, Kidyessos, Léontocéphale {Afioum Kara-Hissar) % Orcistos, Pessinonte, Gor- dium, Ancyre, Pteria . Elle traversait l’Euphrate el l’Ilalys sur des ponts de bateaux ; celui de l’Halys était déjà en usage du temps de Crésus, qui le franchit en marchant vers Pteria ’.
M. Kadet a mis on lumière rimportance du commerce lydien dès le vin« siècle : les Méoniens ont servi d’intermédiaires entre Babylone, Ninive, Pteria el les colonies grecques*. Ce sont les Lydiens qui donnèrent un caractère commercial à la grande voie militaire tracée par les Hittites entre l’Halys et la mer Egée. Hérodote dit qu’ils furent les premiers à faire métier de xi-K-r^X’ji ’, mot qui implique le commerce de détail et le courtage ; le xa-Y|>.ï ;(iv primitif, sur le bord de la grandroute, était à la fois hôtellerie, caravansérail el magasin.
Les Perses, depuis Cyrus, utilisèrent et améliorèrent les roules existantes. Hérodote leur attribue l’insti- tution des courriers royaux, avec relais de poste ’". Suivant Xénophon ", Cyrus fit construire des écuries le long des routes et y plaça des valets chargés de soigner les chevaux ; c’est aussi dans ces relais qu’on recevait les lettres d’un courrier pour les transmettre à un autre ; les courriers voyageaient même pendant la nuit [ciRsus publicts]. Outre les auberges, écuries el magasins, on trouvait sur les routes, de dislance en distance, des fortins destinés à en assurer la sécurité ’-.
) Ramsay ap. Ileinacli, Citron, d Orient, I. p. 83 ; cf. M. /Jist. f/co(/r. of Aiia Minor, p. Î3.— 2 Même expression dans .Vomires. LX., 20, 17 eldans Pinl. De/n. 46. Siculus Flaccus, au lemps de Trajan, parle encore de viae rnjales. — 3 Herod. V, 52. — * Ramsay, T/ie royal road, in Hist. y^ogr. of Aaia âfinor, p. -7-3j ; Radct, La Lydie, p. 23. — ’■ Cf. Plul. Themiat. .XX, I. — 6 Radcl, Op. I. p. 23.
— 7 llcrod. 1, 76 ; Ramsay, Op. l. p. 29. — » Radct, Op. I. p. 00. — » Herod. I, 9*. 4. — 10 Herod. VIII, 98. — n Xenoph. Cyrop. VIII, 6, 9. — 12 Herod. V. 52.
— 13 Radct, Op. l. p, 101. — 1* Ramsay, Citie» and Bithoprict, p. 9U.
« Sauf l’inslitulion des courriers el la substitution de l’itinéraire Arbèles-Suse au tracé Ninive-Babylone, la grande ligne officielle par où Cyrus el Darius expédiaient leurs ordres aux satrapes d’Orient conservait, au moins dans ses traits essentiels, l’organisation qu’elle avait reçue des anciens maîtres de l’Asie ". » M. Radet a pensé que la grande route royale, le long de laquelle les rois de Perse fondèrent des colonies ’^ était essentiellement une route de caravanes, alors que le texte d’Hérodote semble indiquer qu’elle était surtout postale. Mais les 11 i stathmes que compte l’historien d’Éphôse à Suse par Sardes, impliquant des étapes de 21 kilomètres et une vitesse quotidienne de 27 kilomètres seulement dans un voyage total de treize jours, paraissent plutôt convenir, suivant l’observation de M. Radel, à l’allure de cara- vanes qu’à celle de courriers. Telle n’est pas l’opinion de W. Ramsay "’, fondée sur le fait, que certaines sections de la route royale, parcourues par lui, sont peu accessibles même à des cavaliers ; à quoi l’on peut objecter que Xerxès, traversant l’Asie, voyageait tantôt en char, tantôt en harm.vm.vxa ’". C’est aussi de l’époque achéménide que date la grande route allant de Baby- lonie et de Perse aux Portes Caspiennes". En revanche, la roule transversale du Sud de l’Asie Mineure, suivant la vallée du Méandre ", appartient seulement à l’époque gréco-romaine ; nous en dirons quelques mots plus loin.
11 faut sans doute attribuer une haute antiquité à la route dite de Memnon, par laquelle ce héros serait venu de Suse à Troie ; les Phrygiens, du temps de Pausanias, en montraient encore les stations, étapes prétendues de son armée ".
V. Ce que les textes et les études faites sur le terrain nous apprennent des roules grecques, à l’époque clas- sique, n’est pas fait pour en donner une idée favorable ; la circulation doit toujours y avoir été pénible. Les Grecs n’ont jamais su jeler des viaducs au-dessus des vallées ni gravir les montagnes par des routes en lacef !s. 11 y avait même d( !S chemins qui escaladaient des pentes raides par des degrés taillés dans le roc ou grossière- ment construits avec des pierres (xXi’i/axsç, pasjjiiÔEçl, comme aux environs de Manlinée ’". Thucydide parle de routes construites en Macédoine, évidemment dans un dessein militaire, par Archélaos fils de Perdiccas ’-' ; mais la stratégie grecque, n’usant pas de grands con- vois, se contentait des sentiers existant dans le pays. Quelques routes carrossables, comme celle qui reliait Athènes au Pirée ^-, répondaient sans doute à un intérêt commercial ; mais les meilleures routes n’étaient que des tronçons assez courts, établis pour faciliter les pèlerinages el les processions religieuses. Dans ces processions, les femmes étaient transportées en voilure, tant à Athènes -^ qu’à Sparte ’* ; il fallait donc que les roules qu’elles suivaient fussent carrossables [veijicilum]. Telle était la voie sacrée d’.-Vthènes à Eleusis, qui avait été l’objet d’une description minutieuse par Polémon -.
— i-iRamsay, Cide^, p. 571. — 10 llcrodol. VII, 41, 1 ; cf. Iladcl, p. 107. - ngtrali. XI, 13, 7. — 18 Ibid. XIV, 2, 2’J ; Ramsay, Uisl. oeor/r. p. 27-33. — i» Paua. X, 31, 7 ; Frazcr, Pausanias, l. V, p. 387. — ,20 Paus. Vill, 6, 4 ; Frazer, Pau- sanias, IV, p. 195. — 2’ Thuc. Il, 100 : SS» :. ; liOt- :»,- i’- :!|»i. I.’eiprcssion teclmiqut, tî>-«£-.-* î-îôv, prouve qu’il s’agissait surtout d’ouvrir un passage à travers les rochers, mais non pas de niveler ou de forliner le sol. — 22 Xenoph. l/ell. 11,4, 10. — 2J Vit. .Y Oral. p. 8«. — 2* AUicn. IV, 17. — 25 llarpocr. Usi Uif, Athen. XIII. 67. i ;f. Leaormant, La Voie sacrée éleusinienne, I, 1804 ; Philios, ’Eiin*. 4p ;(. 1904, p. 61,