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ou sans son grade, son congé honorable, rarement avec le nom de l’empereur qui le lui a accordé ; souvent il se contente du mot veteranus seul ou suivi d’Aiiyusti. Il est à remarquer que ce nom ne se retrouve pas dans le texte des diplômes militaires, sauf dans ceux qui ont été délivrés par Galba à la légion 1" Adjutrix et par Vespa- sien à la 11= Adjutrix et aux deux Hottes de Misène et de Ravenne ; partout ailleurs ce terme est remplacé par cette périphrase : Us qui militaverunt, stipendiis emerilis, dimi.ssis honesla missione, ou une semblable.

Dans les listes de vétérans que nous possédons et qui datent du ii" siècle, on constate que les légionnaires, jusque vers la fin de ce siècle, ne sont congédiés que tous les deux ans, et il en est très vraisemblablement de même des soldats de la garde prétorienne et urbaine ’ ; dans cette période les légionnaires, comme les auxi- liaires, ne sont libérés qu’après 23 ans de service.

Le sens du mot veteranus s’esl élargi de plus en plus, ou plutôt la notion d’/ionesta missio, à laquelle il est étroitement attaché, a pris une extension de plus en plus grande. On a déjà montré [honesta missio], par l’exemple du diplôme X (ancien VIII), que, dès le I siècle, des soldats étaient parfois libérés (exoMC^o/’o//) par anticipation en récompense de leur bravoure ; ils avaient évidemment droit à Yhonesta missio qui, aux termes de la définition d’Ulpien, pouvait être accordée même avant la fin du service. Nous avons l’exemple d’un soldat libéré ante tempus, honesta missione, ex indulgentia imperatoris, qui confirme ce témoignage ’. On est allé plus loin dans cette voie : parmi les rares inscriptions^ qui mentionnent la missio causaria, il y en a une où un légionnaire réformé se dit ex causa missus, honesta missione, ce qui, au premier abord, parait contradictoire ; mais la contradiction n’est qu’ap- parente. 11 suffit, pour l’écarter, dadmetlre que, dans ces deux hypothèses, le bénéfice du congé honorable a été accordé, comme faveur [ex indulgentia), à des militaires qui ne réunissaient pas toutes les conditions requises pour l’obtenir. Peu à peu, ainsi que nous l’apprennent les textes juridiques % ce qui était d’abord une exception tend à devenir la règle : le libéré par anti- cipation est assimilé progressivement à celui qui a obtenu le congé honorable et peut exercer, sinon la totalité, du moins une partie des droits de ce dernier. Sous le Bas-Empire, l’évolution est achevée : les textes législatifs eux-mêmes considèrent comme synonymes les termes honesta et causaria inissio .

Les militaires qui se qualifient wîss/cù’ peuvent-ils, eux aussi, être considérés comme des vétérans ? Ce nom, qu’on ne trouve que dans un petit nombre d’in- scriptions^, est porté par des militaires appartenant à tous les corps. De ce qu’ils ne se disent pas veterani et du fait que l’un d’eux n’est âgé que de 35 ans et n’a pu,

1 E. Bormann, Ephetii. epigr. IV, p. 317 -, C. i. l. VI, i !0 !l. — 2 C. i. l. VIII, 4â9i. A rapprocher do la déliiiilioii d’Ulpien : vet aitte, ab imperatore indul^ gelur. Autre cicmpic : Année epigr. 190i, n. 210. — 3 C. i. /. VI, 3373 ; Annatid.Jst., 1885, /.c.,iDScriplion n» 7 (liste dc :t e^ui7t’5 ct’n^u/aref libérés en 13j) :

veterani missi honesta missioneex eodem numéro item ex causa : P. Aelius

Valens, T. Flavius hizens. Dans le Corpus inscr. lat. (XIII, 705G) il faut, à notre avis, lire : ex caufsaj et non ex cfustodej afrmorumj vfixitj. — * Itiij. XXVII, I, 8, S§ î et 3 ; Cod. Just. X, 54, 3 ; V, 3 i, 1. — 5 Uiq. XXVII, 1,8, 5 ; Cod. Th. VII, 20, 8 cl 12, 1 I ; Cod. Just. VII, 64, 9 ; V, 05, I. — 6 A. von Uomaszcswki on donne la liste : Die Hangordnung,p. 78, où il conteste l’interprétation ([ue Uommscn donne du mol missici dans le Corp. inser. lat. III, 14214 b. — 7 C. i. t. III, 2037 et 14 214 b, en note. — » Ibid. XII, 3179, avec la note do Hirsclireld ; cf. VI, 26011.

dès lors, achever son temps de service, Mommsen ’ conclut que ce sont des militaires libérés par anticipa- lion [ex causa missi). On peut objecter qu’il y a des missicii qui ont achevé leur service’ et que d’ailleurs, ainsi qu’on vient de le voir, fussent-ils des soldats libérés par anticipation, cela ne suffirait pas pour leur refuser le titre de vétérans. M. von Domaszewski ’ considère les 7nissicii comme des vétérans constituant, sous ce nom, un corps de réserve, pendant une certaine période, après leur congé. On sait, en effet, que, leur libération obtenue, les vétérans n’étaient pas assurés pour cela de rentrer immédiatement dans la vie privée. Jusqu’à l’époque des Flaviens, ils étaient retenus au service pen- dant un certain temps et formaient dans chaque corps un groupement appelé vexillum veteranorum [vexil- LATio]. Mais 1 âge avancé de certains d’entre eux (55, 60 et même 81 ans) ’" ne peut guère se concilier avec cette solution. Peut-être faut-il tout simplement supposer que missicius n’est qu’une variante de missus d’où il dérive, à l’exemple dedediticius dérivé de deditus, et de deduc- ticius^ de deductus. Quelle que soit la solution qu’on adopte, il semble difficile d’exclure les missicii de la catégorie des vétérans.

Le titre de vétéran n’est pas seulement honorifique : celui qui peut s’en prévaloir jouit de plein droit de cer- tains avantages que les auteurs classiques résument dans de brèves formules, telles que praemia ou légi- tima jiroemia veteranorum, emeritum, commoda mis- sionum ou veteranorum ou emeritae tnilitiae’-. .uguste, dans la célèbre inscription d’Ancyre’^, précise davantage : il nous donne le compte détaillé de l’argent distribué aux vétérans et de celui qu’il a dépensé pour leur acheter des terres. L’épigraphie nous fournit de nombreux exemples de vétérans qui, par la suite, ont été également soit transférés dans de véritables colonies, soit établis sur le territoire de cités indigènes, comme en Egypte, en Gaule " et en Afrique ’ '.

Les vétérans obtenaient aussi des privilèges d’une autre sorte, dont on trouve l’énumération dans diflérenls litres du Digeste et des Codes, notamment dans celui qui leur est consacré (De veteranis)^^. Ils reçoivent des immunités d’impôts et de charges compris dans cette formule générale : munera civilia et honores, munera personalia ; mais ils supportent les munera patrimo- nii et les vectigalia qui correspondent à nos impôts indirects. Au point de vue honorifique, ils obtiennent, eux et leur fils, le rang de décurions en ce qui touche l’application des lois pénales. Jusqu’à ces dernières années on ignorait comment s’était formé ce droit spé- cial qui, au temps des jurisconsultes de l’époque clas- sique, nous apparaît comme faisant corps depuis long- temps avec l’ensemble de la législation romaine. Deux édils récemment découverts en Egypte", l’un du trium-

— 9 Uie /langordmtng, p. 78. — m C. i. l. Il, 6310 ; III. 14039 ; Riesc, Dos rheinische Germanien, a. 1500. — " C. i. l. III, SI97-10921. — n Suct.] Oc<. 24-49 ; Calig. 44, 1 ; Xcr. 32 ; Vesp. 8 ; Vi(e/ ;. 15, 1 ; Tac. Ann. I, il ; Dig. X1,IX, 16, 5, 7 ; ut veteranus ... et praemia et emerituni capit ; C. i. l. VIII, "92 : cow- modis acccplis ... ab imp. Domitiano ; Ann. épigr. 1910, n. 153 : veteranus eom- modis honoralus. — 13 Jies gestae, 1, 16-19 ; III, 22-33. — 1’ Korneroann, ItOm. Colonien ohne Autonomie, Klio, XI, 390. — ’» Ann. épigr. 1909, 156 :ciiies Jtomani payani veterani pagi Fortunalis quorum parentes beneficio divi .ugusli Hulunurca agros acceperunt. — ’0 Dig. XLIX, 18 ; Cod. Th. VII. 20 : Cod. Just. XII, 47 ; cf. E. Kulni, Die stâdt. und bïlrg. Verfassung des rOm. Ileichs. 1, p. 129 sq. — I" J.-B. Mispoulet, Le Diptyque en bois de Philadelphie (Nouv. Revue « dr. français et étr. 1911, p. 5 ct8t|.), p. 16 ; U. Wilcken, ChrcsI. n.462 cl 463.