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teurs, à l’époque romaine, les métronomes et où elle exerce sans doute le monopole du change[1] ; à Tauromenium, où elle paraît garder provisoirement les excédents non prêtés à des particuliers[2] ; à Mylasa[3], à Pergame[4]. La banque est tantôt gérée par un ou plusieurs fonctionnaires publics (à Ténos, Temnos, Délos, Ilion, Cyzique), tantôt affermée, comme à Mylasa et à Pergame. Elle a généralement le monopole du change[5].

À Pergame, une loi qui traduit sans doute un rescrit, vraisemblablement d’Hadrien, protège la population contre les exactions des banquiers, qui versaient probablement à la ville une part de leur gain, supprime des taxes abusives, tel que l’ἀσπρατούρα, sans doute pour l’usure de la monnaie[6] les autorise à livrer le denier romain d’argent contre dix-huit as provinciaux de cuivre et à ne le reprendre que contre dix-sept as, oblige les acheteurs de denrées alimentaires à payer en petite monnaie de cuivre, restreint les droits des banquiers en matière de saisie[7]. À Mylasa, entre 209 et 211 ap. J.-C.[8], une loi réprime les banques clandestines, défend de changer ou d’acheter du numéraire ailleurs qu’auprès du fermier de la banque.

B. Égypte grecque et romaine. — 1o Banques publiques. — Des pays grecs les banques publiques ont passé en Égypte[9]. Sous les Ptolémées on ne sait rien de la caisse centrale d’Alexandrie ; mais chaque nôme a dans sa métropole, pour les fournitures en nature un θησαυρός, pour les recettes et les paiements en argent une banque royale, βασιλικὴ τράπεζα[10], instrument de contrôle et d’enregistrement et qui a probablement des filiales dans les villages[11]. Elles reçoivent les recettes et font les paiements sur les bordereaux, soit des fonctionnaires compétents, soit des fermiers des impôts ; elles reçoivent aussi les taxes d’enregistrement des actes relatifs aux successions, donations, ventes, qui comportent des transmissions de propriété sur des immeubles. Les registres sont les ἐφημερίδες. À la tête de chaque banque se trouve un banquier, fonctionnaire et non fermier. Sur les capitaux qui restent en caisse il fait des avances à des particuliers[12].

Sous la domination romaine, pendant le Haut-Empire, subsistent les banques des nômes, avec l’épithète de δημοσίαι, sous la direction de banquiers publics. Elles servent pour le fisc, l’idios logos, et le patrimoine, avec des comptes séparés [patrimonium]. Au Bas-Empire, environ depuis le milieu du ive siècle[13], elles paraissent avoir été remplacées par les χρυσῶναι qu’on trouve dans chaque province et qui envoient les recettes au thesauros central de l’Égypte, administré par le praepositus et le comte[14]. Le développement de la vie municipale dans les métropoles des nômes, activé par la création des sénats en 202[15], a pour conséquence la création dans chacune d’elles d’une banque urbaine, πολιτική, administrée par un trésorier qu’assistent des πολιτικοὶ τραπεζῖται[16]. Les banques de la Grèce et de l’Égypte ont été le modèle des mensae romaines [tributum][17].

2o Banques privées. — À côté des banques publiques subsistent, sous les Ptolémées et sous la domination romaine, des changeurs et des banques privées, probablement affermées et contrôlées par l’État[18]. Les contrats qui exigent la publicité sont écrits et enregistrés, soit dans le bureau dit ἀγορανομεῖον par l’agoranome-notaire, d’abord fonctionnaire, puis sous l’Empire probablement chargé d’une liturgie municipale, soit dans le γραφεῖον dont on ne sait pas exactement le rapport avec le premier bureau[19]. Le notariat garde l’exemplaire officiel de l’acte[20], en remet une copie (εἰρόμενον) à la βιβλιοθήκη ἐγκτήσεων) de la métropole du nôme qui sert d’archives centrales, et une copie (ἐκδόσιμον, ἀντίγραφον) aux parties[21]. C’est d’après ces actes notariés, pour tous les contrats usuels, surtout les ventes et les prêts, quelquefois d’après des actes simplement privés, que le banquier exécute les paiements dans la forme classique, généralement sur les dépôts de ses clients. La διαγραφὴ τραπέζης est la note qui fait foi du paiement, rédigée par le banquier pour le créancier ; elle renferme souvent la signature de ce dernier, généralement sous la forme subjective, rarement sous la forme objective[22]. Depuis la fin du ier siècle ap. J.-C.[23], à côté de cette forme de diagraphê, dépendant de l’acte notarié, qui se maintient jusqu’à l’époque de Dioclétien, apparaît, pour toutes sortes de contrats, même des constitutions de dot[24], la diagraphê indépendante ; elle tient lieu de l’acte notarié, porte toutes les clauses, même accessoires, du contrat et obligatoirement la signature des deux parties qui reçoivent des copies de la pièce, généralement le signalement de celle qui reçoit l’argent, quelquefois aussi celui du débiteur. Les deux espèces de diagraphê sont des actes privés, mais qui en fait deviennent équivalents à des actes publics ; aussi les banquiers doivent remettre périodiquement aux archives centrales des copies de leurs registres[25]. Au Bas-Empire les actes agoranomiques disparaissent ; les quittances de banques sont remplacées par les chirographes, le banquier et l’agoranome-notaire par le tabellio. En revanche on trouve, à une époque très tardive, des

  1. Dem. 12, 294 ; Ins. gr. 2, 476, 4, 18-23. A 2 834 B, 1, 39, il s’agit peut-être d’un banquier privé.
  2. Dittenberger, 513 ; Colbz-Hoffmann, Dialekt-Inschr. 3, 2, 4, 5219. p. 258-259, l. 7, 17, 23, 32, 53, 57, 74. V. Rizzo, Rivista di storia antica, 1899, 523 : 1900, 74, 290.
  3. Bull. de corr. hell. 20, 523-548 (Dittenberger. Or. gr. inscr. sel. 515).
  4. Dittenberger, Ibid. 484.
  5. Diog. La. 6, 2, 20 (délit de fausse monnaie commis par le banquier à Sinope) ; Aristot. Oec. 1346 b (sur Byzance, sans doute au iiie siècle av. J.-C.) ; Dittenberger, 310 (sur Olbia, où une loi oblige à vendre ou à acheter la monnaie au local de l’assemblée sur la table de pierre et fixe le cours du cyzicène).
  6. Cf. Suet. Ner. 44 ; Pers. Sat. 3, 69.
  7. Dittenberger. Or. gr. inscr. sel. 484.
  8. Ibid. 515.
  9. Voy. Mitteis et Wilcken. Grundzüge und Chrestomathie der Papyruskunde, I, 1, 152-167.
  10. Wilcken, Ostraka, 1, 633-638 ; Archiv fur Papyrusforschung, 5. 214 ; Grenfell, Revenue Laws of Ptolemy Philadelphus, 75, 1 ; Grenfell et Hunt, The Hibeh Papyri. I, 110 ; II, 86 ; The Amherst Papyri, I, 31 ; Rubensohn, Elephantine Papyri ; Peyron, Pap. greco-egizio di Zoide ; Mahaffy, The Flinders Petrie Papyri. II, 26.
  11. Il paraît y avoir des ressorts plus étendus que le nôme, ainsi la Thébaïde.
  12. Wilcken, Ostraka, I, 419-120, 689.
  13. Mitteis et Wilcken, l. c. I, 1, 164-166 ; Gr. Urk. Berl. Mus. 2, 620 ; Amherst Pap. 140 ; Preisigke, Gr. Urkunden d. äg. Mus. zu Kairo, no 33 (en 339).
  14. Pap. Oxyrh. 126, 13 ; Pap. Fiorentini, 95 ; Gr. Urk. d. Papyrussammlung in Leipzig, 61-63, 102, I, 7 ; Edict. Justin. 11.
  15. Vit. Sev. 17, 2. Voy. Jonguet, La Vie municipale dans l’Égypte romaine, Paris, 1911, p. 344-351.
  16. Pap. Oxyrh. I, 84 ; Preisigke, Gr. Pap. d. Kais. Universitäts-und Landesbibliothek zu Strassburg, 28 (en 305).
  17. Pap. Oxyrh. I, 144 (Alexandrie en 580).
  18. Wilcken, Ostraka, I, 634 ; Papyr. Revenue Laws, 73 ; Pap. Oxyrh. I, 91, 11 ; III, 513.
  19. Voy. Mitteis et Wilcken, l. c. II, I, 53-89 ; Bouché-Leclercq, Les Lagides, IV, 134. Sur le μνημονεῖον et le mnémon, peut-être chef de l’étude notariale de l’agoranome, voy. Jouguet, l. c. 327-338.
  20. Ces textes réunis en rôles forment le τόμος συγκολλήσιμος.
  21. Mitteis et Wilcken, l. c. II, 2, no 184.
  22. Ibid. II, 2, nos 171-178, 187 ; Gr. Urk. Berl. Mus. 88, 415, 427, 607 ; Pap. Genev. 22 ; Pap. Strassb. 52 ; Pap. Amherst, 95-95. Au lieu de διαγραφή y a quelquefois, pour une raison inconnue, le mot διεκβολή, (Gr. Urk. Berl. Mus. 445, 7-8. Mitteis et Wilcken, l. c. II, 2, no  173).
  23. Selon Preisigke (Girowesen, p. 278), d’après une loi entre 72 et 89 ap. J.-C.
  24. Pap. London, 3, p. 156.
  25. Pap. Fior. 67, 11, 44 ; Pap. Lips. 9, 22 ; London, 3, 156-157 ; Mitteis et Wilcken, l. c. II, 2, nos 185, 187.