DES ANTIQUITÉS
TABELLA (Σανίδιον, πινάκιον, πλάκιον). — Planchette, tablette de bois, de pierre ou de métal. Ce diminutif présente d’abord toutes les variétés de sens du simple [TABULA], avec celle seule différence qu’il s’applique à des objets de dimensions plus restreintes ; ce sera par exemple une petite table à jeu 1[1], un petit tableau votif ou autre 2[2], etc. Mais tabella désigne aussi, et plus particulièrement, une tablette à écrire, quelle qu’en soit la matière 3[3] ; parmi les nombreux objets de ce genre que l’antiquité nous a laissés, il convient de distinguer certaines poteries d’un intérêt particulier.
I. Tabella cerata (δέλτος δελτίον, δελτίδιον γραμματεῖον). - L’usage de tracer des signes convenus ou des lettres sur une tablette de bois, enduite de cire, remonte chez les Grecs à une haute antiquité : il est déjà question dans Homère d’un message transmis par ce moyen 4[4]. La littérature 5[5] comme les monuments de la meilleure époque 6[6], nous montrent à quel point il était familier aux peuples hélléniques non seulement dans les écoles, mais dans la famille, dans les tribunaux, dans le commerce et dans toutes les relations de la vie sociale. Très employées par les romains, les tablettes à la cire ont été encore connues du moyen-âge, et l’on affirme même qu’elles rendent parfois service jusque chez les peuples modernes 7[7]. A cause de leurs dimensions réduites, on n’y pouvait jamais tracer que des textes assez courts, le volume de
IX. papyrus restant toujours affecté aux ouvrages littéraires et, d’une façon générale, à tous les documents d’une certaine étendue [LIBER]. Les tablettes offraient ce grand avantage d’être portatives, facilement maniables et de se prêter indéfiniment aux corrections. Ainsi sont elles entre les mains de tous les écoliers débutants, qui s’exercent à l’écriture et au calcul ; un peu plus tard ils y tracent leurs brouillons, quand ils font leurs devoirs de style, et elles les aident encore chez le rhéteur à la préparation de leurs discours 8[8]. On les emporte avec soi, comme nos carnets et nos calepins de poche pour y jeter des notes rapides ; elles accompagnent dans leurs promenades et leurs voyages les gens de lettres, les poètes, les orateurs 9[9], et aussi les gens d’affaires 10[10]. Elles peuvent être utilisées pour la correspondance, quand on n’a que des billet à écrire 11[11] ; ainsi il n’est pas rare de les voir jouer un rôle dans les relations galantes 12[12]. Enfin, comme elles sont beaucoup plus résistantes et durables que le papyrus, on a l’habitude d’y consigner même les actes les plus importants, quittances, cautionnements, obligations, contrats de mariage, testaments 13[13], etc. On en voit de très grandes dimensions (fig. 6711) dans la représentation d’une scène de comédie populaire, lesquelles paraissent servir à tenir des comptes 14[14].
La tabella se faisait généralement en bois commun, tel que le sapin, l’érable 15[15], le buis, d’où son nom de
- ↑ TABELLA. 1. Ov. Ars. Am. III, 365 ; Trist. II, 481.
- ↑ 2. Cic., Ad fam. VII, 23 ; De nat. deor., III, 37 ; Suet. Tib. 43 ; Ov., Ars. am. I, 71 ; Plin., Hist. Nat. XXXV, 37, 2 ; Hor. Sat. II, 7, 95 ; Ep. II, 180 ; Ov. Fast. III, 268 ; Tibull. I, 3, 27 ; Juven. XII, 27 et 100 ; Hor. XI, 33.
- ↑ 3. Pierre, marbre, bronze, plomb, etc.
- ↑ 4. Hom. Il. VI, 169 ; Plin., Hist. Nat. XIII, 69.
- ↑ 5. Herodot. VII, 23 ; Soph. Tr. 683 ; Eurip. Iphig. Aul. 798 ; Aristoph. Thesm. 778 ; Batrachom. 3 ; Ps. Plat., Axioch. p. 371 A. Cf. Anthol. Pal. VII, 35 ; Dionys. Comp. verb. p. 209, 2 ; Plat. Def. Orac. p. 434 D ; Alex. 17 ; Lucian. Timon, 21-22 ; Amor. 44 ; Poll. VIII, 128 ; X, 57 ; Corp. inscr. Att. I, 323.
- ↑ 6. Vases peints : EDUCATIO, fig. 2598, MINERVA, fig. 504 7. Statuette : Furtwängler, Mittheil d. deutsch. Arch. Inst. VI, 1881), p. 174.
- ↑ 7. Voyez les exemples réunis par Kenny Hugues, Archaeologia, t. LV, 1-97, p. 257. ; Thompson, Greck and latin paleography, 2e éd., 1894, p. 23 ; Marquardt, l. c. p. 470-471.
- ↑ 8. Plaut. Bacch. 441 ; Hor. Sat. I, 6, 14 ; Plin., Hist. Nat. XXXIV, 19, 10 ; Quintil. I, 1, 27 ; X, 3, 31 ; Juven. XIV, 191 ; Poll., X, 59 ; Isid., Or. VI, 9,1. cf. EDUCATIO, fig. 2598, LUDUS. Modèles d’écriture sur des tablettes de l’époque ptolémaïque : Felton, Proceedings of the Americ. Acad. of arts, III, p. 371-378 ; Welcker. Rhein. Mus. nouv. sér., XVI, I (1860), p. 155 ; Reeuvens, Lettres, III, p. 111. Autres au Britisch Museum : Rumpt, Verhandl. der Philolog Versomml. Zu Würzburg, XXVI (1869), p. 239. A Marseille : Annuaire de la soc. Française de numism. et d’archéol., III, LXXI-LXXVIII ; Wolff, Philologus XXVIII, p. 176. Textes rassemblés par Erich Ziebarth, Aus der antiken Schule (1910).
- ↑ 9. Catull. 50 ; Cic. Ad fam. IX, 26 ; Plin., Ep. VII, 9 ; Quintil. XI, 2, 32 ; Auson. Praef. In Centonem.
- ↑ 10. Corp. insc. Att. I, 324 ; Prop. IV 23, 20 ; Ov. Am. I, 12, 25 ; Plin., Ep. I, 6 ; IX, 34, 6 ; Sen. Ep. 108 ; Egger, Mém. de l’Inst. De France, XXI, 1. p. 382 ; Rev. arch. VIII, p. 461, 471.
- ↑ 12. Plaut. Asinus, IV, 1, 17 ; Hom. Herod. l. c. ; Cic. Ad Quint. II, 9, (11) ; Sen. Ep. 55, 11 ; Plin. Ep. VI, 16, 8.
- ↑ 12. Plaut. Bacch. 715 ; Pseud. 10-15 ; Prop, IV, 23 ; Catull, 42 ; Tibull. II, 6, 45 ; Ov. Ars Am. I, 437 ; II, 393 ; Apul., Met. IX, 515 ; Mart. XIV, 8, 9.
- ↑ 13. Mart. IV, 70, 2, XIV, 2 ; Lampr. Alex. Sev. 49, 2 ; Suet., Claud. 29 ; Calig. 18 ; Cod. Theod. VI, 4, 23 et 22, 7 : Corp. inscr. lat. II, 4125 ; III, 567, 586 ; Ov., Am. I, 12, 23 ; Cod. Just. VIII, 51, 6 ; Dig. XXIV, 1, 66 pr. : XXXVII, 4, 19 et 11, 1 pr. ; Suet., Ner. 17 ; Hor. Sat., II, 5, 53 ; Gaius, II, 104 ; Paul. Sent. IV, 7, 6. Voyez plus bas les tablettes de Pompéi et de Dacie.
- ↑ 14. Annali dell’ Istit. 1853, pl. cx.
- ↑ 15. Tablettes de Pompéi : Ov., Ars Am. III, 469 ; Am I, 11, 28, 22, 7 ; Mart. XIV, 3.