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Plus d’un lecteur, j’en suis convaincu, sera surpris d’apprendre que le Dictionnaire, dans la pensée du premier éditeur, devait comprendre, dans un volume in-8°, avec les antiquités grecques et romaines, toutes les antiquités orientales, juives, chrétiennes et barbares, jusqu’au VIIIe siècle de notre ère. Pour comprendre une telle conception, il faut se reporter à ce qu’était la science archéologique en 1857. Encore est-il certain qu’un homme tant soit peu au courant des travaux déjà faits sur ces matières en France et à l’étranger devait être amené promptement à reconnaître l’impossibilité de condenser tant de choses en un volume. Pourtant nous avons la preuve que ce plan reçut un commencement d’exécution, car dans les papiers laissés par M. Saglio se trouve une quantité assez considérable de manuscrits qui n’ont jamais été imprimés et qui répondent au programme tracé par M. Daremberg. Celui-ci avait indiqué, dans le même Rapport, la méthode qu’il entendait suivre pour le détail des articles.

« Il y aura des articles généraux (articles de première classe) sur les grandes subdivisions en lesquelles se partagent les antiquités, par exemple Art dramatique, Guerre, Agriculture, Ornements, Sculpture, Architecture, etc. Ces articles traiteront à fond tous les sujets qui ne sauraient constituer des articles spéciaux, ou qui du moins gagnent à être encadrés dans un ensemble de considérations d’un même ordre. Ces articles devront naturellement contenir des renvois fréquents aux articles du second et du troisième ordre. Là où il y a lieu d’opérer dans les articles généraux de grandes subdivisions, ces subdivisions constitueront des articles de seconde classe ; par exemple, l’article Armes par rapport à l’article Guerre. Les articles de seconde classe seront du reste traités de la même façon que les articles de la première classe et contiendront également des renvois, quand l’occasion se présente. Les articles de troisième classe, qui portent sur des faits, des objets ou des monuments particuliers, n’ont ordinairement pas besoin de sub- divisions… On renverra le plus possible aux articles de seconde et de première classe ; par exemple, l’article Masque il faudra renvoyer aux articles Art dramatique, Tragédie, Comédie ; à l’article Lance, aux articles Armes, Armée, etc. »

On peut constater qu’en 1873, quand parut le premier fascicule du Dictionnaire, il ne subsistait rien de ce plan. Que s’était-il passé dans cet intervalle de seize années ? L’Avertissement placé en tête de ce fascicule et rédigé par M. Saglio nous indique discrètement les causes des changements survenus, mais nous en connaissons encore mieux le détail par le libellé des traités conclus avec les éditeurs.

Le Dictionnaire des antiquités orientales, grecques, latines et du moyen âge, projeté en 1857, de format analogue au Dictionnaire d’histoire et de géographie de M. Bouillet, n’avait pas vu le jour. Bien vite l’auteur et l’éditeur s’étaient rendu compte des inconvénients d’un plan aussi démesuré et l’avaient restreint aux Antiquités grecques et latines. Préparé sous cette forme et annoncé pour 1860, le Dictionnaire n’avait pas encore paru en 1865. C’est à cette date que M. Saglio, à la demande de M. Daremberg occupé par ses grands travaux sur l’histoire de la médecine, fut chargé de revoir tous les articles déjà rédigés et de fournir l’indication des figures dont le nombre était porté de 400 à 3000. On peut dire que l’entreprise changeait de programme et de mains. Il me paraît vraisemblable que ce qui décida le changement de plan, ce fut le grand succès du dictionnaire anglais d’Anthony Rich, paru en 1858, traduit en français en 1859, en allemand en 1862, en italien en 1867, et parvenu à de nombreuses éditions. L’adoption du vocabulaire latin, la forme des articles avec les références aux auteurs, les vignettes semées dans le texte montrent la ressemblance des deux ouvrages. Bientôt l’organisation primitive du Dictionnaire Daremberg fut complètement délaissée, les notices déjà écrites ne furent jamais utilisées. On entreprit de faire « un Rich » français, plus complet, plus documenté, plus scientifique. Par quel art de persuasion, par quels arguments décisifs M. Saglio obtint-il cette refonte complète, qui exigeait des sacrifices considérables et une nouvelle mise de fonds ? Nous ne le saurons sans doute jamais, car les témoins de cette période ont presque tous disparu et