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Un an avant son mariage, l’occasion s’était offerte à lui de prendre contact avec la science archéologique. En 1861, l’acquisition d’une partie de la Collection Campana par le gouvernement russe décida l’empereur Napoléon III à acquérir sur sa cassette particulière le reste de ce magnifique ensemble, admiré de tous ceux qui visitaient Rome. Le nouveau musée, alors distinct du Louvre, devait prendre le nom de Musée Napoléon III. Saglio, déjà connu par sa collaboration au Magasin pittoresque et à la Gazette des Beaux-Arts, fut adjoint à MM. Cornu et Clément pour surveiller le déballage et l’exposition des pièces au Palais de l’Industrie. Notre confrère M. Salomon Reinach, auteur d’une Histoire de la collection Campana, a raconté les péripéties de cette organisation ; après des polémiques et des débats sans nombre, la collection fut finalement réunie aux séries du Louvre, en 1862. Déçu dans l’espérance qu’il avait eue légitimement de trouver un poste au Musée Napoléon III, Saglio revint à ses occupations littéraires et au Magasin pittoresque. C’est dans ces dispositions d’esprit que le trouva M. Ch. Daremherg, qui depuis plusieurs années s’occupait de recruter des collaborateurs pour son Dictionnaire des antiquités, et l’on comprend avec quel empressement le jeune érudit accueillit des propositions qui devaient lui procurer des ressources nouvelles et lui ouvraient encore une fois la route vers des études devenues chères.

L’idée de faire un Dictionnaire des antiquités appartient, en effet, à M. Ch. Daremberg, et si le Dictionnaire actuel a toujours porté son nom, ce n’est pas — comme on le croit trop souvent — qu’il l’ait réalisé lui-même dans ses parties essentielles, mais c’est pour rendre à sa mémoire et à son initiative un hommage que ni les éditeurs ni M. Saglio n’ont voulu affaiblir. S’il y a eu, à cet égard, comme un excès de scrupule et de modestie, dont M. Saglio lui-même pouvait être appelé à pâtir, on conviendra que cette exagération même, cette discrétion désintéressée ont été un trait bien conforme au caractère et à la noblesse d’esprit de notre regretté directeur.

Le docteur Ch. Daremberg, né en 1817, écrivain érudit, bibliothécaire de l’Académie de Médecine et de la Mazarine, adonné à de savantes recherches sur Oribase, Hippocrate et Galien, d’où devait sortir un ouvrage général sur l’Histoire des sciences médicales (1870-71), avait été frappé de voir qu’en France il n’y avait pas de répertoire commode à consulter sur la vie antique. L’Allemagne avait les grandes Encyclopédies d’Ersch et Gruber (commencée en 1818) et de Pauly (commencée en 1842) ; l’Angleterre avait le Dictionary de W. Smith (paru en 1842). Daremberg entreprit de doter son pays d’un ouvrage analogue et entra en pourparlers dès 1855 avec la librairie Hachette pour cette publication. J’ai sous les yeux le plan qu’il en traçait au mois de janvier 1857.

« Le Dictionnaire des antiquités comprendra, en un seul volume grand in-8° à deux colonnes, les « antiquités grecques, latines, juives, orientales, chrétiennes et barbares. Pour toutes ces antiquités notre

« Dictionnaire commence avec les temps historiques et s’arrête au moment où le monde ancien cède définiti-

« vement la place à un monde nouveau, c’est-à-dire aux environs du vitre siècle.... Ce plan est très vaste et un

« peu compliqué, je l’avoue, mais j’espère que l’unité sortira de la diversité même. D’ailleurs un tel plan est,

« pour ainsi dire, le résultat nécessaire du mouvement historique. Personne ne méconnaît aujourd’hui les

« nombreux points de contact qui rattachent l’Orient à l’Occident et le christianisme au paganisme. L’origine

« des antiquités grecques et latines doit être souvent cherchée tantôt en Asie ou dans le nord-est de l’Afrique,

« tantôt chez quelques peuples restés barbares et qui formaient la ceinture de la Grèce ou vivaient sur le

« sol de l’Italie. Ainsi, parler des antiquités du Pont et des autres pays voisins de la Grèce était un achemi-

« nement naturel au reste des antiquités barbares ; les antiquités orientales ne permettaient pas d’exclure

« les antiquités juives et, à leur tour, celles-ci appelaient les antiquités chrétiennes, qui, de leur côté, sont, sous

« plus d’un rapport, le développement, la transformation et, si je puis ainsi parler, la sanctification des

« antiquités païennes. »