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NOTICE


DE M. EDMOND POTTIER


Au discours de M. H. Omont on nous permettra d’ajouter quelques détails qui feront entrer davantage nos lecteurs dans l’intimité de cette belle vie, si bien remplie, et qui expliqueront en particulier la genèse du Dictionnaire des antiquités.

La famille de M. Saglio, comme le nom même l’indique, était originaire d’Italie. Ses ancêtres habitaient Plesio, aux environs de Côme ; un d’eux émigra en Alsace vers le milieu du XVIIIe siècle et s’établit à Haguenau ; ses enfants passèrent ensuite à Strasbourg et mèlèrent si complètement leur sang à celui de leurs nouveaux compatriotes que personne n’aurait pu retrouver dans la physionomie ni dans les allures de notre confrère le moindre atavisme méridional. Mais dans la tendresse qu’il avait pour l’Italie et en particulier pour la région des Lacs, dans la hâte qu’il montrait à revoir presque chaque année ces paysages familiers et aimés, on pouvait supposer qu’il y avait encore quelque chose de filial. Dès qu’il avait un loisir, c’est de ce côté qu’il songeait tout de suite à tourner ses pas. Il racontait qu’il avait eu le plaisir de retrouver des Saglio près de Menaggio et de Rezzonico, sur les bords du lac de Côme.

Vers 1830, son père, Charles Saglio, alla se fixer au Havre, où il dirigeait avec ses frères une raffinerie. Après des années prospères, les revers de fortune survinrent et le jeune Edmond Saglio, qui avait fait ses études à Paris, au Collège Sainte-Barbe, où il fut le condisciple d’Alfred Mézières et d’autres contemporains connus, dut songer à trouver au plus vite un métier. Sa carrière, au début, ne paraissait nullement l’orienter vers les études archéologiques. Il fit son droit, fut reçu licencié et réussit à entrer au Ministère de la Justice où il était attaché au bureau de la Commission des grâces. Mais il fréquentait à Paris une maison où les arts et l’antiquité étaient en grand honneur, celle de son oncle M. Charles Paravey, collectionneur émérite, grand amateur de vases peints grecs, homme de goût très délicat, qui eut sur son neveu une heureuse et profonde influence. Cinquante ans après, M. Saglio rappelait encore avec émotion et reconnaissance tout ce qu’il avait appris dans le commerce de ce fin connaisseur.

Il suivait aussi à l’École des Chartes le cours de Quicherat et s’initiait auprès de ce grand maître à la méthode des recherches historiques. C’est par son oncle qu’il connut M. Charton, collègue de M. Paravey au Conseil d’État. M. Charton se prit tout de suite d’amitié pour ce jeune homme d’aspect réservé et doux, qui donnait les preuves, sans en faire parade, d’un goût sûr, d’un esprit remarquablement équilibré et de solides connaissances sur toutes sortes de sujets. Il lui demanda de collaborer au Magasin pittoresque, qu’il avait fondé, et il l’invitait à venir le voir.

En 1862, Edmond Saglio épousait Mlle Charton. Ceux qui ont suivi de près les destinées de ce ménage savent que pendant un demi-siècle il a su donner l’exemple le plus rare et le plus réconfortant : celui d’une confiance sans bornes et d’une affection réciproque, que ni l’âge ni les épreuves de la vie ne réussissent à entamer ni à diminuer. Ce fut le secret de la force et de la douceur inaltérable que Saglio opposait à tous les soucis et à tous les chagrins auxquels nul homme n’échappe : il était heureux chez lui.