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En même temps qu’il insérait des articles de fine critique dans le Journal des Débats, il collaborait activement au Magasin pittoresque, fondé et dirigé par Edouard Charton, dont il était devenu le gendre, puis à la Gazette des Beaux-Arts, dont il avait été l‘un des fondateurs et qu’il dirigea quelque temps à la place de Charles Blanc. Attaché à la collection Campana, sous la direction de Léon Renier, il entrait en 1871 au Musée du Louvre comme conservateur-adjoint de la sculpture moderne et des objets d’art du moyen âge et de la Renaissance, département à la tête duquel il était appelé en 1879 ; puis, en 1893, il remplaçait Alfred Darcel au Musée de Cluny et il en conservait la direction jusqu’en 1903. Dans les délicates fonctions qui lui avaient successivement ainsi été confiées, Edmond Saglio a fait preuve des qualités les plus précieuses : un goût exquis, un jugement sûr, une compétence particulière, joints à un complet et absolu dévouement à ses devoirs professionnels.

A la différence de beaucoup d‘érudits et d’archéologues, notre regretté confrère n’a point dispersé sa science et sa critique étendue et si sûre en de nombreux volumes. En dehors d’articles insérés jadis dans le Magasin pittoresque, dans la Gazette des Beaux-Arts, dans le Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, à laquelle il appartenait depuis 1875, il a été, véritablement et dans toute l‘acception du mot, « l’homme d’un seul livre », le grand Dictionnaire des antiquités grecques et romaines. Il en avait entrepris la publication avec le docteur Charles Daremberg, mort en 1872 ; le premier fascicule parut en 1873 et Edmond Saglio en assuma désormais seul la publication jusqu’en 1884, date à laquelle il s’adjoignit notre savant confrère M. Edmond Pottier. Mais il ne se contentait pas de diriger de haut et de loin cette œuvre collective, l’honneur de l’érudition française; rien n’eût été plus éloigné de son caractère. Sa part y a été beaucoup plus considérable qu’on ne le pourrait croire au premier abord ; aucun article ne s’y est fait sans lui, et vous l’avez reconnu dès 1887, quand vous l’avez appelé à occuper ici la place que laissait vacante l’historien Alexandre Germain. Cependant il n’aura pas eu la joie et la satisfaction suprêmes de voir la fin prochaine de cette belle et grande entreprise, qui est véritablement son œuvre et à laquelle il s’était donné tout entier.

Dans sa simplicité, dans sa modestie sincère, dans son peu de goût pour les louanges éphémères, notre regretté confrère n’a pas voulu qu’il fût prononcé de discours à ses funérailles. Ce n’est pas par des paroles que les vrais savants veulent être exaltés, c’est par leurs propres œuvres ; celle d’Edmond Saglio conservera et perpétuera sa mémoire.

La mort lui aura été douce, après les deuils répétés qui avaient jeté un voile de tristesse sur ses dernières années. Avant hier soir il travaillait encore, comme à son ordinaire ; hier matin il n’était plus. Elle a été si soudaine qu’il ne l’a sans doute pas sentie venir. C’est une fin sans douleur et sans conscience. Est-ce celle que cette âme libre et fortement trempée avait rêvée ? C’est assurément une de celles qui frappent le plus au cœur une veuve et des enfants aimés, à qui vous me permettrez d’offrir en votre nom l‘hommage de notre douloureuse sympathie.