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ACT — 64 — ADÆ


l’autre une de ces aiguilles avec laquelle il touche les cheveux de la compagne du dieu.

Quand l’echafaudage, souvent si compliqué, de la coiffure était dressé, c’étaient encore ces grandes épingles dont quelques unes sont parvenues jusqu’à nous, qui tenaient les tresses, les nattes et les boucles assemblées derrière la tête ou sur son sommet 43[1] : on en a un exemple (fig. 103) dans une statue découverte près d’Apt (Vaucluse) au siècle dernier 44[2]. Elles servaient encore à at-

Fig. 103. Coiffure romaine. Fig. 104. Coiffure grecque.


tacher les liens qui retenaient les coiffes ou d’autres parures 45[3]. Ainsi, sur un vase trouvé à Athènes 46[4] est peinte une figure de femme (fig. 104) dont les cheveux forment en arrière une touffe soutenue par des bandelettes ; une épingle dont l’extrémité est visible les tient réunies. Sur un miroir gravé étrusque 47[5], représentant la toilette d’Hélène (fig. 103), on voit trois femmes qui achèvent de la

Fig. 105. Toilette d’Hélène.


coiffer. L’une d’elles présente un miroir ; une autre va nouer les cordons du riche diadème que la troisième ajuste sur le front de sa maîtresse. La dernière suivante tient l’aiguille qui, plantée dans la chevelure, en consolidera l’édifice.

Ces longues aiguilles de tête devenaient quelquefois des armes redoutables entre les mains de femmes cruelles et vindicatives 48[6] : on voit par les poêtes 49[7] avec quelle cruauté les dames romaines châtiaient souvent les plus légères fautes des esclaves occupées à leur toilette : elles saisissaient leurs aiguilles pour leur frapper les bras ou le sein. Un historien 50[8] nous peint Fulvie, la femme de Marc-Antoine, tenant sur ses genoux la tête de Cicéron assas-


siné et perçant, avec l’épingle qu’elle tire de ses cheveux, la langue de l’orateur. Et dans un récit d’Apulée 51[9], c’est encore à l’aide d’une de ces aiguilles qu’une femme venge la mort de son mari en crevant les yeux du meurtrier.

Il y avait enfin de ces épingles qui étaient creusées 52[10] de manière à pouvoir renfermer un parfum et parfois du poison. Cléopâtre, d’après une des traditions qui avaient cours 53[11], se serait donné la mort à l’aide d’une épingle semblable qu’elle portait constamment dans ses cheveux. E. Saglio.

ADAERATIO. — Conversion en argent des prestations dues à l’Etat, à titre d’impôt direct ou foncier en nature. Ce qui se rapporte à ces prestations au temps de la République est expliqué à l’article aestimatum. Quant à la quotité et au mode de recouvrement de cette contribution sous l’Empire, voyez annona militaris. Payer les prestations en nature s’appela dans le latin du Bas-Empire apochare [apocha, άποχή, quittance). Depuis Constantin, non-seulement les provinciaux et les Italiens, mais les habitants mêmes de la regio urbicaria furent assujettis à cette prestation 1[12]. En règle générale, il était interdit aux receveurs (susceptores) qui étaient chargés d’emmagasiner ces denrées, sous la haute surveillance du préfet du prétoire, d’exiger de l’argent des contribuables ou d’en recevoir au lieu des produits dont le versement en nature était obligatoire. Mais cette prohibition ne fut pas absolue. Ainsi Valentinien III, en 445, permit aux sujets de la province d’Afrique 2[13], à raison de la difficulté des transports, de payer, moyennant un taux déterminé en argent, l’annona militaris. De même, quoique de nombreuses constitutions insérées au Code Théodosien eussent défendu aux soldats et à leurs chefs de se faire payer en argent 3[14], on leur permit, en certains cas, de déroger à la règle, d’après un tarif fixé par l’empereur, ou d’après les prix courants. Ainsi Valentinien et Valens, en 363, autorisèrent les Riparienses à percevoir neuf mois d’annona en nature, et les trois autres en argent 4[15]. Il y eut encore des concessions de ce genre assez nombreuses 5[16]. Valentinien et Valens, en 363, permirent aux protectores fori rerum venalium de se faire payer leur annona en argent, suivant la coutume 6[17]. Nous renvoyons aux textes pour les autres exceptions de ce genre. On admettait aussi à l’adaeratio les propriétaires qui devaient céder une partie de leurs colons [colonus] pour recruter l’armée 7[18] ; le prix (aurum tironicum) variait de 20 à 30 aurei ; il était perçu par les capitularii ou temonarii. Souvent le trésor percevait les denrées et payait en argent ses fonctionnaires ; d’autres fois, il convertissait l’impôt de certains pays 8[19] pour une année ou pour une période plus courte, ou d’une manière indéfinie. Cette conversion avait lieu plus fréquemment pour les chevaux et pour les habits que pour les denrées alimentaires et le fourrage. L’adaeratio était prohibée pour le fer et le bois destinés aux travaux publics. Une constitution d’Arcadius et Honorius, de l’an 396 9[20], prescrit de payer aux soldats d’Illyrie un solidus par chlamyde à eux due. Honorius et Théodose décidèrent que l’estimation de l’annona vestis serait versée au trésor, et

  1. 43 Tertull. l. l. : Isid. XIX, 31, 9 ; Mart. II, 66 ; XIV, 24 ; Hieron. Comm. ad Is. 3.
  2. 44 Montfaucon, Antiq. explic. Supplém. III, p. 2.
  3. 45 Ulp. Dig. XXXIV, 2 25 ; Prudent. Psychom.
  4. 46 Stackelberg, Grüber der Hellen. pl. xxxi ; Lenormant et de Witte, Elite des Mon. céram. t. IV, pl. xl ; cf. Heydemann, Griech. Vas., t. ix, 1.
  5. 47 Des collections Durand et Pourtales ; Gerhard, Eteask. Spiegel, pl. ccxiii.
  6. 48 Paus. I, 22, 2.
  7. 49 Ovid. Ars am. III, 235 ; Amor. I, t. 13 ; Juv. VI. 490 ; Petron. Sat. 21 ; Bottger, Sabina, ive scène.
  8. 50 Dio Cass. xlvii, S.
  9. 51 Metam. VIII, p. 173, éd. Bip.
  10. 52 Roux et Barré, Hercul. et Pompei, 3e série, pl. xciii.
  11. 53 Dio. Cass. LI, 14.
  12. ADAERATIO. 1 Walter, Römisch. Rechtsgesch. 3e éd., tome I, n° 408, p. 552 ; Godefr. Paralitl. ad Cod. Theod. XI, 1, p. 2 ; C. 14 Cod. Theod. De indulg. deb. XI, 28 ; Savigny, Vermischte Schrift. II, 113.
  13. 2 Novell. Valent, tit. XVIII, De tribut. § 3, édit. Hänel, p. 182.
  14. 3 CI, 18, 20, Cod. Theod. De erogat. milit. annon. VII, 4, la C. 1 cod. Theod. XI, 2, défend en général la licentia apochandi.
  15. 4 C. 14 Cod. Theod. eod. tit.
  16. 5 c. 22, 28, 30, 31, 32, 34, 35, 36, ibid.
  17. 6 c. 10 Cod. Theod. cod. tit.
  18. 7 Cod. Theod. VII, 13, De tironibus, et XI, 18, qui a praebit. ter excus.
  19. 8 God. Theod. De annona et tribut, c. xxiv, XI, 1 ; c. xxix, xxxii et xxxvii cod. tit.
  20. 9 C. 4 Cod. Theod. De milit. veste, VII, 6.