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Des fabricants d’aiguilles sont désignés par les inscriptions sous les noms d’acuarius et acutarius 12[1].

On ne trouve que dans les glossaires les noms de βελονοθήκη, ραφιδοθήκη, aciarium, désignant l’étui où l’on conserve les aiguilles ; mais ces noms doivent être anciens comme les objets, dont on a fait certainement usage de bonne heure. La figure 89 reproduit à la moitié de la grandeur du modèle un étui en or ayant la forme
Fig. 89. Étui et bracelet en or Fig. 90. Étui en os.
d’une petite massue et muni d’un couvercle attaché à un bracelet 13[2] : ce bijou a été trouvé en Crimée dans un tombeau de l’ancienne Panticapée, avec d’autres objets appartenant aux meilleurs temps de l’art grec. Un second étui (fig. 90) en os faisait partie du contenu d’une de ces boîtes [cista] où les femmes enfermaient, au moins dans une certaine partie de l’Italie, des bijoux et des ustensiles de bain et de toilette. Dans celle qui contenait cet étui, tirée d’un tombeau de l’antique Praeneste 14[3], se trouvaient entre autres objets trois épingles de tête, une aiguille, terminée du côté opposé à la pointe par une sorte de racloire et ressemblant assez à un style [stilus] ; enfin, une autre aiguille pareille à nos passe-lacets. Beaucoup d’aiguilles et d’épingles ont été trouvées dans d’autres cistes. Plusieurs boîtes de formes diverses trouvées à Pompéi 15[4], comme celle qui est ici gravée (fig. 91), paraissent avoir eu la même destination. Enfin, sur
Fig. 91. Boîte d’épingles.
un vase peint trouvé à Athènes, où est représentée une scène de toilette, Stackelberg 16[5] a cru reconnaître une pelote garnie d’épingles, qu’une servante tient devant sa maîtresse. Cette conjecture n’a rien d’invraisemblable ; toutefois l’auteur ne cite aucun texte à l’appui de son opinion, et la figure est trop peu précise pour que nous ayons jugé à propos de la reproduire.

Quelques exemples montreront combien la forme de ces objets était variée et quelle élégance les anciens mettaient à ceux qui devaient faire partie de la parure. La figure 92 offre, réduite de moitié, une épingle en or, ornée à son extrémité d’une tête de cerf ou d’élan, du plus fin travail ; elle a été trouvée, comme l’étui suspendu à un bracelet dont il a été parlé plus haut, dans un tombeau du Bosphore cimmérien, et appartient à la même époque de l’art grec 17[6]. On en peut voir d’autres de même provenance, différentes de forme et non moins remarquables, dans le bel ouvrage où sont reproduites les antiquités du musée de l’Ermitage. D’autres épingles sont surmontées de figurines ou même de groupes qui sont autant d’œuvres d’art exquises. Telles sont ces épingles d’argent du musée de Naples, trouvées dans les fouilles d’Herculanum, qu’admirait Winkelmann 18[7] : « La plus grosse, dit-il, longue de


huit pouces, est terminée par un chapiteau d’ordre corinthien, sur lequel est une Vénus qui tient ses cheveux avec les deux mains ; l’Amour, qui est à côté d’elle, lui présente un miroir. Sur une autre de ces épingles, surmontée aussi d’un chapiteau d’ordre corinthien sont deux petites figures de l’Amour et de Psyché qui s’embrassent ; une autre est ornée de deux bustes ; la plus petite représente Vénus appuyée sur le socle d’une petite figure de Priape, et elle touche de la main droite son pied qui est levé. » Le musée du Louvre possède des épingles qui, sans avoir peut-être la même perfection, répondent assez exactement à ces descriptions 19[8]. À ce musée appartient aussi 20[9] l’épingle en or qu’on voit réduite de moitié (fig. 93) : la tête se compose d’un chapiteau sur lequel est debout un Amour qui joue de la flûte de Pan ; au musée de Naples 21[10], une épingle d’ivoire (fig. 94) dont la tige est surmontée de la


figure de Vénus nue, sortant du sein des eaux et tordant ses cheveux ; au même musée 22[11], une autre épingle en or (fig. 95), dont la tige est recourbée ; à son extrémité est comme suspendue
Fig. 96. Fig. 96 bis. Tète de l’épingle en grand. Fig. 97. Aiguilles de tête étrusques.
l’image d’un petit génie ailé qui tient d’une main une patère, de l’autre un objet de forme cylindrique, peut-être un vase à parfums. L’épingle en or du musée de Chiusi 23[12], que l’on voit (fig. 90), porte la marque d’une antiquité reculée. Les animaux, d’un travail délicat, dont la tête est ornée, ont ce caractère oriental que l’on a observé dans beaucoup d’objets étrusques d’ancienne date. Une autre épingle étrusque, en argent, plus moderne, appartient au musée du Louvre. Elle est dans la figure 97 réduite au tiers, la tige traverse trois lentilles légèrement gravées et surmontées d’un tambour à bords façonnés qui porte une tête de bélier 24[13]. On peut

  1. 12 Orelli, 4135, 4139 ; Orelii-Henzen, 7216.
  2. 13 Antiq.du Bosphore cimmérien, au musée de l’Ermitage, St-Pétersbourg, 1854, pl. xxiv, 4.
  3. 14 Mon. ined. del. Inst. acch. VIII, tav. viii, 20 ; Annal. 1861, p. 371.
  4. 15 Mus. Borbon. IX, tav. xiv.
  5. 16 Gräber der Hellenen, t. xxxiii.
  6. 17 Antiq. du Bosphore cimmérien au musée de l’Ermitage, pl. xxiv, n° 7.
  7. 18 Lettres sur les découvertes d’Herculanum. p. 61.
  8. 19 Catalog. des bijoux du musée Napoléon iii, Épingles, n° 37, 41, 48, etc.
  9. 20 Id. n° 44.
  10. 21 Mus. Borbon, 1. IX, tav. xv ; Roux et Barré, Herculan. et Pompéi, 3e sér. pl. xciii.
  11. 22 Mus. Borbon. t. ix ; Roux et Barré, l. l. pl. xciv.
  12. 23 Ignbirami. Mus. Chiasino, I, tav. ici.
  13. 24 Catalogue des bijoux du musée Napoléon iii, Épingles, n° 26.